Mgr Albert Rouet est évêque du diocèse de Poitiers en France. Dans ce livre d’entretiens avec le journaliste Yves de Gentil-Baichis, il prend la parole sur plusieurs sujets touchant la vie de l’Église et l’engagement à la suite du Christ à notre époque. Le livre se divise en 7 chapitres où il est question successivement du foisonnement religieux actuel, de l’image publique de l’Église, de la possibilité de croire, de la morale, de la place des femmes, de l’engagement à construire un monde plus humain et enfin de l’avenir de l’Église.
Dans plusieurs de ces chapitres, Mgr Rouet parle avec conviction d’une Église servante qui donne la priorité au souci des pauvres et des déshérités. Le néolibéralisme triomphant semble s’accommoder d’une religiosité privée qui encourage l’ordre et le statu quo social. Mais si les chrétiens se repliaient totalement dans la sphère de la spiritualité individuelle et de la morale privée, vivraient-ils encore vraiment de l’Évangile? Le souci des plus pauvres ne se réduit pas à une charité privée qui donne bonne conscience sans lutter contre les injustices à grande échelle. L’économisme guerrier qui sévit partout sur la planète provoque les croyants à s’engager très concrètement dans la construction d’une société véritablement humaine où l’on cesserait de sacrifier des vies au nom du seul profit. Dans ce combat, l’Église peut jouer un rôle irremplaçable.
Soulignons aussi l’intérêt du dernier chapitre de cet ouvrage. Mgr Rouet y parle de l’organisation de communautés de base et d’équipes pastorales locales dans les paroisses de son diocèse. À Poitiers, on a choisi de privilégier la vivification du tissu ecclésial local plutôt que la fusion ou la fermeture de paroisses. Voilà une vision pastorale, une vision d’avenir, qui peut se révéler inspiratrice ailleurs dans le monde. Mentionnons cependant qu’il s’agit plutôt de petites paroisses et de petites églises locales : la situation est bien différente quand on engloutit des fortunes dans l’entretien d’énormes bâtisses, comme c’est le cas dans plusieurs régions du Québec. Néanmoins, l’ecclésiologie qui guide les choix audacieux faits à Poitiers se remarque par sa pertinence et sa cohérence.
Les autres propos de Mgr Rouet, qui traitent entre autres de l’image de l’Église, de la difficulté de croire et de la place des femmes, sont moins percutants. Même s’il s’oppose au durcissement des positions conservatrices, prend-il vraiment toute la mesure des interrogations actuelles et de l’obstacle objectif que constitue souvent l’Église dans la découverte du Christ?