Ces mois-ci, au Québec, nous avons été bombardés par les nombreuses interventions faites dans le cadre de la Commission Charbonneau[i], à tel point que nous pourrions penser à un striptease collectif tellement les travaux de cette Commission sont fortement médiatisés et prennent une place considérable dans nos conversations. Chaque jour apporte de nouvelles révélations qui nous tiennent un peu plus en haleine, comme si nous devenions friands et insatiables de ce genre d’information à sensations.
Devant cette escalade, ou bien nous restons en suspens et nous en voulons toujours plus parce que cela rejoint notre soif de sensationnalisme, ou bien nous plongeons dans la morosité et le pessimisme devant le spectacle de tant de malversations. Quoi qu’il en soit, nous sommes effectivement mis en face de véritables réseaux organisés dont nous ne soupçonnions peut-être même pas l’existence dans une société comme la nôtre, où nous avons tout pour vivre honnêtement un projet collectif en ayant chacun des droits à respecter, mais aussi des devoirs à remplir.
Pourquoi avoir tant attendu et surtout, pourquoi en parler autant? Suffit-il d’en parler pour régler le problème ? Comment allons-nous nous en sortir ?
Toutes ces questions méritent notre attention si nous voulons éviter que la situation ne perdure ou s’aggrave; nous questionner nous permet de réfléchir à des actions à poser afin d’agir sur ce qui est en notre pouvoir, tout en sachant pertinemment que ce ne sera probablement que partie remise puisqu’il y aura toujours des gens pour essayer de profiter des autres.
Il y a crise. Nous avons l’évidence que notre façon de vivre a engendré un mode de fonctionnement qui génère des abus de toutes sortes : la soif d’argent à satisfaire par n’importe quels moyens, le manque d’autocritique et la tendance à nous autojustifier en nous déresponsabilisant en sont quelques-uns. Ces tendances et d’autres ont créé un véritable iceberg dont nous ne voyons que la pointe émergente. Le monstre qui s’est développé contribue à une véritable confusion en rendant les frontières diffuses entre le bien et le mal, entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.
Sans préjuger du rapport de la Commission, nous pouvons quand même déjà chercher et entrevoir des solutions. Nous vivons dans un état de droit où la communication se veut transparente et fluide. Chacun, chacune de nous avons des responsabilités dans l’organisation économique, sociale et politique où nous évoluons. Bien assumer nos responsabilités et choisir les bonnes solidarités, ce sont là des conditions essentielles pour la réussite du projet collectif d’une société juste. Tout désistement et toute délinquance à l’égard du bien commun affectent le système et le rendent moins fonctionnel. Sans tomber dans une paranoïa ou une chasse à la sorcière, nous devons être vigilants et intervenir dès que possible lorsque nous avons connaissance d’abus potentiels.
Cette nécessité nous rejoint en tant que chrétiens et chrétiennes. N’avons-nous pas vocation et mission de travailler à une plus grande justice et à la paix sociale au nom même de l’Évangile ? Quand nous acceptons l’inacceptable ou minimisons les effets pervers de l’injustice, c’est comme si nous faisions mentir l’Évangile; c’est tout le Corps du Christ qui en souffre. Il nous faut certainement du courage pour nous tenir debout et dénoncer ce qui est mal, mais n’oublions pas que nous sommes privilégiés de pouvoir le faire. Une démocratie, cela se gagne, se construit et se défend. Il nous faut être vigilants et défendre les valeurs en cause si nous voulons améliorer notre vivre ensemble et le rendre plus juste, plus humain. D’autres sociétés, et elles sont nombreuses, n’ont pas autant cette chance et cette possibilité !
Jacques Marcotte, OP
avec la collaboration d’Anne Saulnier.
Québec
[i] La Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Le 9 novembre 2011, le gouvernement du Québec créait cette Commission, sous la présidence de l’honorable France Charbonneau assistée des commissaires Me Roderick A. Macdonald et monsieur Renaud Lachance.