Anselm Grün, l’un des auteurs religieux les plus prolifiques de notre temps, se considère lui-même, à 63 ans, comme l’un « des plus jeunes parmi les anciens ». Peut-être l’historien Charles Chauvin l’a-t-il cerné mieux que quiconque en écrivant : « Ce bénédictin possède l’art de présenter les problèmes de théologie et de spiritualité de telle sorte que croyants ou non, chrétiens ou non, se reconnaissent dans son langage ». Il fallait bien une certaine maîtrise des mots et plus encore une certaine expérience de vie pour aborder un sujet d’autant plus difficile qu’il rebute beaucoup de monde : le vieillissement.
Auteur de multiples œuvres littéraires, dans l’un de ses derniers livres, « Vieillir dans la sérénité », Anselm Grün cite martin Buber : « Vieillir est une choses merveilleuse pour celui qui n’a pas désappris à débuter ». On ne pourra jamais assez recommander la lecture de ce livre, d’un exposé bien structuré et d’une pensée claire. Tout psychologue qu’il est, bien au point des grands défis de l’angoisse sénile : peur de vivre, crainte de manquer du minimum vital, phobie de la dépendance, angoisse de la maladie et je ne sais quoi encore, Anselm Grün fait en ce livre l’éloge du « lâcher prise » et des vertus du grand âge, sans lesquels le vieillissement ne peut être vécu sereinement.
Il est bon de faire connaissance de cette personnalité ouverte à l’un des problèmes de la surmodernité, le vieillissement. À travers sa propre expérience de détachement et de silence monastiques, Grün nous offre dans ce livre un regard encourageant sur la vieillesse et le vieillissement.
Je dois avouer personnellement que l’auteur m’a quelque peu dérangé. Mais, cette lecture m’a-t-elle apporté également la sérénité? Comme tant d’autres, la tentation est forte de refouler ou dissimuler le vieillissement par le travail. Sur notre continent américain, la vieillesse est sujet tabou. Tout le monde veut être jeune, nul ne veut admettre les limites progressivement grugées par l’âge. La préoccupation de bien vieillir viendra bien assez vite. À cette fin, il ne sera jamais facile de lâcher prise. D’ailleurs qui peut choisir la manière dont il veut et doit vieillir? Sommes-nous tellement maîtres de notre intellect et des dangers qu’il courre, de la solitude, de l’incontournable maladie, en somme de tous les problèmes connexes à l’âge avancé.
Pourtant, l’éloge habituel du grand âge ne manque pas. Temps de réflexion et de partage de l’expérience, dit-on, temps d’écoute de l’autre, musée des souvenirs et d’un passé chargé de leçons, capacité de réduire toute situation à sa juste mesure et capacité de vaincre les difficultés. On veut bien vivre, mais nul ne veut vieillir. En ce temps et en ce monde où la jeunesse se fait rare et le vieil âge ne cesse de croître, les premiers veulent de moins en moins être responsables des seconds, et les seconds imposer leur présence aux premiers.
Voilà ce que tente de prévenir Anselm Grün dans son livre : « Vieillir dans la sérénité ». Mais qui a réellement envie de vieillir, sauf quand il est jeune ? Sans doute le faut-il à plus d’un point de vue, mais le souhaite-on vraiment ? Pour Anselm Grun, soit dit avec sensibilité et combien de tact, le vieillissement constitue pourtant la promesse d’une vie riche et renouvelée
Qui est Anselm Grün? Ce bénédictin est venu au Québec une première fois en novembre dernier. Théologien, mystique et psychothérapeute, également directeur financier et chef du personnel (400 salariés) Anselm Grün, bénédictin allemand de l’abbaye de Münsterschwarzach, en Allemagne, publie quatre à cinq livres par année. Devenu moine, l’auteur vécut dans une abbaye bavaroise en pleine période de crise existentielle. Tout lui semblait alors vide de sens, démodé. Lui-même était épris d’amitié particulière pour une femme. Mais avec les ans, la dynamique de groupe, des liens entre psychologie et spiritualité, l’influence des grands maîtres à pensée du temps, Jung et Durckheim, un ensemble de situations l’ont conduit en pleine « Foret noire » où l’on pratiquait la méditation, les activités artistiques, des exercices corporels et de relaxation, etc… « J’ai réalisé au sortir de ma crise, que la vie monacale, la prière et le travail, en un sens l’expérience monastique et ses assises fondamentales m’aidaient à me maintenir en vie. L’accompagnement psychologique que je fais depuis, et mes contacts avec l’extérieur m’ont permis de voir combien le besoin d’aide pouvait être grand. Ainsi suis-je devenu, comme on dit en allemand, « Seelsorger », celui qui prend soin de l’âme.
Trait descriptif de la personnalité de l’auteur, quand dom Grün, O.S.B. reçoit en entretien, il allume une bougie. La flamme lui rappelle que ce n’est pas ce que il pense ou ce qu’il dit qui est important au cours de cette rencontre, mais la lumière de Dieu. Et cette lumière lui vient, avoue-t-il, des Pères du désert, de la Règle de saint Benoit et plus encore de la parole du Christ : Je suis venu pour que vous ayez la vie et que l’ayez en abondance. » (Jn.10.10) « Cette parole, enseigne-t-il nous invite à vivre l’instant présent et à devenir totalement ce que nous faisons. Pour ce faire, l’humilité et le courage de descendre en soi sont de prime importance, ainsi que l’acceptation de soi. La vie ne m’apporte pas tout ce que je veux, loin de là, mais je l’accepte. Le message chrétien nous dit que tout peut se métamorphoser et passer de l’obscurité vers la lumière. Ainsi peut-on accéder à un potentiel intérieur. »
Anselm Grün possède à fond l’art de présenter et de décortiquer les problèmes. Il sait exposer en termes simples les exigences de la liberté chrétienne et les données de la foi qu’il émaille d’exemples et de récits de vie. Pour aborder « l’automne de la vie » avec les meilleures dispositions intérieures, le détachement s’avère nécessaire ainsi que le goût du silence. La question présente est de réfléchir à la manière dont nous agirons le jour où nous n’aurons plus la situation bien en main, lorsqu’on nous remplacera. L’heure venue de quitter la vie active, les responsabilités, que faire alors pour garder une grande sérénité ?
« Vieillir dans la sérénité ». Ce livre peut être de grande utilité pour qui avance en âge. Il nous invite, nous les vieux, les personnes âgées, les ancêtres à nous aimer avec tendresse malgré les rides, les faux pas et nos limites. À cette fin, Anselme Grün ne se confine pas qu’aux généralités. Sur un sujet qui, sans conteste, est empreint de gravité, il parvient à nous guider dans une promenade intellectuelle aussi lumineuse qu’optimiste, émaillée de citations. De Martin Buber, il retiendra: « Vieillir est une chose merveilleuse pour celui qui n’a pas désappris à débuter ». De Jung : « L’ego doit disparaître afin de laisser place à ce qui le dépasse. Il s’agit de quitter l’ego pour pénétrer le moi ». Et de Goethe enfin: « Soit dit entre nous, j’ai la chance, à mon grand âge, de voir éclore en moi des pensées dont l’approfondissement et la mise en pratique vaudraient assurément une seconde existence ».
Chez Grün, ces citations ne sont pas que des balises posées le long du cheminement d’une pensée claire, bien structurée; elles constituent comme une coquetterie pour masquer une pensée qui ferait trop didactique. Il n’ignore pas les sept grands classiques de l’angoisse sénile : la peur de sombrer dans la folie, la peur généralisée de vivre, la peur de manquer du minimum vital, la peur de la dépendance, de la maladie, de changements non contrôlés ou de nouvelles tâches à accomplir. Il les transcende toutes dans sa psychothérapie. Que ce soit dans l’indispensable « lâcher prise » (se détacher de ses biens, de sa santé, de ses relations, de la sexualité, du pouvoir) ou le survol des « vertus du grand âge » (la sérénité, la patience, la douceur, la liberté, la gratitude ou l’amour), tout est dit, écrit sur le ton feutré d’une conversation intelligente, simple, chaleureuse et réaliste, comme on les aime au coin du feu des premières soirées d’automne.
« Vieillir dans la sérénité » souligne le besoin que l’Église peut avoir de ces vieillards qui s’expriment ouvertement sans se soucier des jugements ou dommages qu’entraîneront leurs propos. Puissent-ils être nombreux !
Grün, Anselm. Vieillir dans la sérénité. Un art de vivre ici et maintenant. Nédiaspaul, 2011.
j’ai connu ici et en Afrique du Sud les 2 freres Wottawah et mon prof de philo m’avait parle du pere Anselme en des termes elogieux. Que ce mot soit un “danke schoen” to fr Anselm que j’aimerais bien lire mais je n’ai pas le sou (je vieillis! 73 ans)
où acheter ce livre ?
Il faut faire une recherche sur internet et vous trouverez.