Quand il est apparu, sur la loggia, une foule immense l’attendait depuis plusieurs heures. La fumée blanche s’était depuis longtemps dissipée et les cloches de la basilique s’étaient également tues. Tous les yeux, dans l’immense foule, guettaient cet instant précis où la grande porte du balcon allait s’ouvrir.
Enfin, il nous apparaissait, immobile et silencieux. Son attitude, d’abord figée, nous a étonnés; elle venait prolonger le long moment d’attente, causant presqu’un malaise qui, peu à peu, se transformait en un sentiment d’intense communion. L’effet de surprise nous avait laissés « bouche bée » tellement le choix retenu par les cardinaux nous prenait par surprise. Nous n’avions pas prévu ce dénouement. Maintenant, le silence parlait pour lui et nous donnait déjà le temps de saisir un peu plus qui était le personnage devant nous. C’était comme si le Pape François voulait d’abord écouter ce que les gens avaient à lui dire. Toutes frontières disparaissaient, aussi bien dans l’espace que dans le temps, à la faveur du profond dépouillement qu’affichait le nouvel élu et de la grande économie de ses mots et de ses gestes.
Chez cet homme, tout semble tellement naturel; on ne sent pas d’arrière-pensées ni de stratégies subtiles. Ce qui saute aux yeux, à le voir, c’est l’absence de déploiement, une grande simplicité d’allure, l’authenticité d’une présence d’homme, de la pauvreté aussi. Ce profil qu’il nous a montré durant quelques minutes seulement, nous a donné une forte idée de ce qu’il sera et de ce qu’il fera durant son mandat.
Ce niveau d’être, tout évangélique, nous permet d’imaginer déjà que son ministère ne sera pas facile. D’une part, il nous donne d’entrevoir l’avenir sous des perspectives de pentecôte dans ce que laissent présager son ouverture, sa bonhomie, son sens de l’écoute, sa tranquille détermination; d’autre part, on peut tout de suite penser que les changements qu’il voudra initier n’iront pas de soi, qu’il y aura certainement de quoi vivre le mystère pascal dans les divers contextes de résistance et d’opposition qu’il rencontrera inévitablement au sein de l’Église. Qu’il le veuille ou non, cet homme aura à payer le prix fort pour ses avancées probables en toute fidélité à l’Évangile.
Quand il nous a demandé de le bénir, lui, d’abord, avant que lui-même ne le fasse pour nous, il a permis qu’une sorte d’osmose spirituelle s’établisse entre nous et lui, qui a fait que le courant est véritablement passé; chaque personne s’est sentie interpellée, en incluant celles qui l’écoutaient par le biais des médias. Cet arrimage est sans doute le début d’une aventure qui ne se vivra pas sans souffrance. Cependant, en ce temps pascal où nous sommes, nous pouvons espérer que des acquis nouveaux sont imminents, et que le Ressuscité nous accompagne toujours pour des mises en place aux couleurs de pentecôte.
Jacques Marcotte, O.P.
en collaboration avec Anne Saulnier.
Québec