L’amour seul peut réaliser l’impossible
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14, 23-29
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui.
Celui qui ne m’aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi : elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ;
mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.
C’est la paix que je vous laisse, c’est ma paix que je vous donne ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous. Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit toutes ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez.
COMMENTAIRE
Dès les origines, il y a des traces de conflits au sein des communautés chrétiennes. À Jérusalem, c’est entre les Judéo-chrétiens de langue araméenne et les Judéo-chrétiens de langue grecque qu’on se dispute à propos des veuves. À Antioche de Syrie, on débat pour savoir si les nouveaux chrétiens d’origine païenne doivent ou non se soumettre aux prescriptions de la loi juive. Ces débats vont troubler l’activité missionnaire de Paul. Pendant des siècles, le christianisme a dû préciser la formulation de sa foi à cause des conflits dogmatiques graves qui ont créé des divisions profondes entre les communautés chrétiennes orientales dont certaines demeurent toujours. On s’est disputé sur le mystère de la personne du Christ, sur la légitimité ou non de peindre des images. Plus tard, au temps des croisades, d’autres déchirures graves ont souillé l’Église de manière indélébile.
Dans toutes les villes d’Asie mineure dont nous parlent les Actes et qui furent le berceau du christianisme et de notre foi, aujourd’hui les chrétiens ont presque tous disparu. Il reste beaucoup de traces de la présence chrétienne : des églises souvent en ruines, contenant parfois des fresques de grande beauté. Certaines sont devenues des musées. Les chrétiens y sont presque absents, à l’exception de quelques religieux et religieuses et de quelques missionnaires protestants. Est-il légitime de faire un lien entre la disparition de ces Églises et les nombreux conflits qui ont opposé et divisé les croyants ? Il semble bien que oui. Dès les origines, Paul lui-même mettait en garde les chrétiens de Corinthe contre les divisions : certains se réclamaient de Paul, d’autres d’Apollos… Les divisions et les conflits ont défiguré l’Église du Christ au cours de sa longue l’histoire. Ne contribuons-nous pas à cet état de choses quand nous favorisons les conflits dans nos communautés, nos paroisses, nos diocèses. Au lieu d’agir pour construire l’Église du Christ là où nous sommes, nous contribuons à la détruire par nos conflits et nos rivalités. Dans l’évangile, Jésus nous a promis l’assistance de l’Esprit Saint : « c’est ma paix que je vous donne » ! Il serait mieux d’être d’infatigables artisans de paix pour mériter le nom d’enfants de Dieu (cf. Mt 5,9).
Pour sortir de ces conflits, il y a eu des conciles pour débattre, trouver des solutions, sceller des réconciliations. Dans le passage des Actes des Apôtres, Luc nous rapporte brièvement ce qui s’est passé au cours de la première assemblée de Jérusalem. On s’est écouté et on a pris une décision « à l’unanimité » concernant les obligations des chrétiens venant du paganisme. Au cours des siècles, nombreuses ont été ces assemblées de responsables d’Églises pour essayer de construire l’unité et de promouvoir la paix, avec l’assistance du Saint Esprit : « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… »
Si cela n’a semble-t-il pas suffi, c’est qu’il manquait peut-être entre les chrétiens un peu de cet amour dont Jésus parle dans l’évangile : « Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole, mon Père l’aimera et nous viendrons demeurer auprès de lui. » C’est l’amour qui doit primer sur tous nos conflits et nos divisions. Seul l’amour peut réaliser l’impossible. Essayons de travailler dans nos communautés et nos familles à cultiver des relations fondées sur cet amour qui vient de Dieu et qui crée la paix. C’est ainsi que nous travaillerons avec l’Esprit Saint à la cohésion du Corps du Christ qui réunira tous les membres divisés et dispersés.
Le texte de l’Apocalypse nous rappelle qu’il n’y a qu’une Jérusalem céleste qui a pour fondations les douze apôtres. Ainsi, les Églises fondées par différents apôtres doivent, au terme, constituer une seule Jérusalem. Jésus est mort pour rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés (Jn 11,52). Dans la Jérusalem céleste, il n’y aura plus de place pour des Églises divisées. D’ailleurs, il n’y aura plus de temple ! Le Seigneur en personne sera « la demeure de Dieu avec les hommes ».
fr. Dominique Charles, o.p.