Père de l’Église grecque né à Césarée de Cappadoce, frère de saint Basile (évêque de Césarée). Il devint évêque de Nysse par la volonté de Basile vers 372. Dans sa lutte contre l’arianisme, il fut même déposé par les évêques ariens de la région. Il prit une part importante au synode d’Antioche (379) et au second concile œcuménique de Constantinople (381) où fut précisée la doctrine officielle de l’Église face à l’arianisme.
L’œuvre considérable de Grégoire peut être répartie en trois groupes principaux : œuvres dogmatiques, œuvres exégétiques et homélies, œuvres ascétiques.
CHAPITRE II
Pourquoi l’homme vint le dernier dans la création
ette grande et précieuse chose qu’est l’homme n’avait pas encore trouvé place dans la création. II n’était pas naturel que le chef fît son apparition avant ses sujets, mais ce n’était qu’après la préparation de son royaume que devait logiquement être révélé le roi, lorsque le Créateur de l’univers eut pour ainsi dire préparé le trône de celui qui devait régner. Voici la terre, les îles, la mer et sur eux, la voûte du ciel comme un toit. Des richesses de toutes sortes avaient été placées dans ces palais : par richesses, j’entends toute la création, tout ce que la terre produit et fait germer, tout le monde sensible, vivant et animé et aussi (s’il faut compter dans ces richesses ces matières que leur beauté rend précieuses aux yeux des hommes, tel que l’or, l’argent et ces pierres tant convoitées) tous ces biens que Dieu cache en abondance dans le sein de la terre comme en des celliers royaux. Alors Dieu fait paraître l’homme en ce monde, pour être des merveilles de l’univers et le contemplateur et le maître : il veut que leur jouissance lui donne l’intelligence de celui qui les lui fournit, tandis que la grandiose beauté de ce qu’il voit le met sur les traces de la puissance ineffable et inexprimable du Créateur.
Voilà pourquoi l’homme est amené le dernier dans la création, non qu’il soit relégué avec mépris au dernier rang, mais parce que dès sa naissance, il convenait qu’il fût roi de son domaine. Un bon maître de maison n’introduit son invité qu’après les préparatifs du repas, lorsqu’il a tout rangé comme il faut et suffisamment décoré maison, literie et table ; alors, le dîner prêt, il fait asseoir son convive. De la même façon, celui qui, dans son immense richesse, est l’hôte de notre nature, décore d’abord la demeure de beautés de tout genre et prépare ce grand festin aux mets variés ; alors il introduit l’homme pour lui confier non l’acquisition de biens qu’il n’aurait pas encore, mais la jouissance de ce qui s’offre à lui. C’est pourquoi, en le créant, il jette un double fondement par le mélange du divin au terrestre, afin que par l’un et l’autre caractère, l’homme ait naturellement la double jouissance de Dieu par sa divine nature, des biens terrestres par la sensation qui est du même ordre que ces biens.
CHAPITRE III
La nature humaine est ce qu’il y a de plus précieux dans toute la création visible
II nous faut aussi arrêter notre attention sur ce fait qu’une fois jetés les fondements d’un pareil univers et des parties qui le constituent dans sa totalité, la puissance divine improvise pour ainsi dire la création, qui vient à l’existence aussitôt qu’ordonnée. Pour la formation de l’homme, au contraire, une délibération précède et, selon la description de l’Écriture, un plan est d’abord établi par le Créateur pour déterminer l’être à venir, sa nature, l’archétype dont il portera la ressemblance, sa fin, son genre d’activité et l’exercice de son pouvoir. L’Écriture examine tout soigneusement à l’avance, pour montrer que l’homme va obtenir une dignité antérieure à sa naissance, puisqu’il a obtenu le commandement du monde avant même de venir à l’être. En effet « Dieu dit », selon les mots de Moïse, « Faisons l’homme à notre image et ressemblance ; qu’il commande aux poissons de la mer, aux bêtes de la terre, aux oiseaux des cieux, aux animaux et à toute la terre ». Chose étonnante ! Le soleil est créé et aucune délibération ne précède. Pour le ciel il en est de même. Rien pourtant ne les égale dans la création. Or, de telles merveilles, un mot suffit pour les constituer. L’Écriture n’indique ni d’où elles viennent, ni comment, ni rien de tel. Ainsi chaque chose en particulier, l’éther, les astres, l’air qui les sépare, la mer, la terre, les animaux, les plantes, tous les êtres, d’un mot viennent à l’existence. Il n’y a que pour la création de l’homme que l’auteur de l’univers s’avance avec circonspection : il prépare d’abord la matière dont il le composera, il le conforme à la beauté d’un archétype, puis, selon la fin pour laquelle il le fait, il lui compose une nature accordée à lui-même et en rapport avec les activités humaines, selon le plan qu’il s’est proposé .
CHAPITRE IV
La formation de l’homme signifie le pouvoir de domination qu’il a sur toutes choses
Les artistes ici-bas donnent à leurs instruments une forme en rapport avec l’usage qu’ils en feront. Ainsi le meilleur des artistes fabrique notre nature comme une création adaptée à l’exercice de la royauté. Par la supériorité qui vient de l’âme, par l’apparence même du corps, il dispose les choses de telle sorte que l’homme soit apte au pouvoir royal. Ce caractère royal, en effet, qui l’élève bien au-dessus des conditions privées, l’âme spontanément le manifeste, par son autonomie et son indépendance et par ce fait que, dans sa conduite, elle est maîtresse de son propre vouloir. De quoi ceci est-il le propre, sinon d’un roi ?
Ajoutez à cela que sa création à l’image de la nature qui gouverne tout montre précisément qu’elle a dès le début une nature royale. D’après l’usage commun, les auteurs des portraits de princes, en plus de la représentation des traits, expriment la dignité royale par des vêtements de pourpre et devant cette image, on a l’habitude de dire : « le roi ». Ainsi la nature humaine, créée pour dominer le monde, à cause de sa ressemblance avec le Roi Universel, a été faite comme une image vivante qui participe de l’archétype par la dignité et par le nom : la pourpre ne l’entoure pas, un sceptre ou un diadème ne signifient pas sa dignité (l’archétype, lui, n’en a pas) ; mais, au lieu de pourpre, elle est revêtue de la vertu, le plus royal de tous les vêtements ; au lieu d’un sceptre, elle s’appuie sur la bienheureuse immortalité ; au lieu d’un diadème royal, elle porte la couronne de justice, en sorte que tout, en elle, manifeste sa dignité royale, par son exacte ressemblance avec la beauté de l’archétype.
CHAPITRE V
L’homme est une image de la royauté de Dieu
La beauté divine n’est pas le resplendissement extérieur d’une figure ou d’une belle apparence ; elle consiste dans la béatitude indicible d’une vie parfaite. Aussi de même que les peintres, dans les couleurs qu’ils emploient pour représenter un personnage sur un tableau, arrangent leurs teintes selon la nature de l’objet pour faire passer dans le portrait la beauté du modèle, imaginez de même celui qui nous façonne : les couleurs en rapport avec sa beauté sont ici les vertus qu’il dépose et fait fleurir en son image pour manifester en nous le pouvoir qui est le sien. La gamme variée des couleurs qui sont en cette image et qui représentent vraiment Dieu n’a rien à voir avec le rouge, le blanc ou quelque mélange de couleurs, avec le noir qui sert à farder les sourcils et les yeux et dont certain dosage relève l’ombre creusée par les traits, ni en général avec ce que les peintres peuvent encore inventer. Au lieu de tout cela, songez à la pureté, à la liberté spirituelle, à la béatitude, à l’éloignement de tout mal, et à tout le reste par quoi prend forme en nous la ressemblance avec la Divinité. C’est avec de pareilles couleurs que l’auteur de sa propre image a dessiné notre nature.
Si vous examinez les autres caractères de la beauté divine, vous trouverez que sur ces points encore la ressemblance est exactement gardée dans l’image que nous sommes. La Divinité est Esprit et Verbe : « Au commencement » en effet, « était le Verbe ». Et selon Paul, les Prophètes « ont l’Esprit du Christ » parlant en eux. La nature humaine, non plus, n’est pas loin de ces attributs : en vous-même, vous voyez la Raison et la Pensée, imitation de Celui qui est en vérité Esprit et Verbe.
Dieu est encore Amour et source d’amour. Jean le Sublime dit que : « L’amour vient de Dieu » et « Dieu est amour ». Le modeleur de notre nature a mis aussi en nous ce caractère : « En ceci, dit il, en effet, tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres ». Donc, si l’amour est absent, tous les traits de l’image en nous sont déformés.
Enfin la Divinité voit tout, entend tout, scrute tout. Vous aussi, par la vue et l’ouïe, vous percevez les choses et par la pensée, vous pouvez examiner et scruter l’univers