Maurice Zundel naît à Neuchâtel en Suisse. Il est ordonné prêtre en 1919 et, suite à une décision injuste de ses supérieurs, il est exilé à Rome , où il obtient un Doctorat en Théologie. Il exerce par la suite un ministère de prédicateur itinérant à Paris, Jérusalem et au Proche-Orient. Après son retour en Suisse, il exerce son ministère pastorale à Lausanne jusqu’à sa mort. Il est étonnant de constater à quel point la pensée de cet homme tellement humble (pratiquement inconnu de son vivant) continue de rayonner ; il est considéré à juste titre comme un géant de la spiritualité chrétienne.
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Celui qui fait la vérité vient à la lumière» (Jn 3/21). La Vérité, en effet, est Quelqu’un, la Vérité est une Personne. La Vérité est la Lumière infinie qui resplendit dans nos cœurs quand nos coeurs s’ouvrent à son appel. C’est pourquoi il est si difficile aux hommes d’aujourd’hui d’entrer dans le mystère de la résurrection parce que leur vie, parce que notre vie y est si peu conforme.
Il faudrait vivre la résurrection pour entendre les profondeurs du mystère d’aujourd’hui. Or, précisément, l’atmosphère dans laquelle nous sommes plongés est radicalement opposée à cette vision d’une vie ressuscitée à laquelle saint Paul nous convie lorsqu’il affirme qu’ayant été baptisés dans le Christ, nous avons été ensevelis dans Sa Mort, mais pour resurgir dans Sa résurrection. Pour saint Paul, le mystère de la résurrection, c’est le mystère de notre vie, non pas seulement au dernier jour quand l’Histoire sera consommée, mais aujourd’hui et à tous les instants de notre vie. C’est aujourd’hui qu’il faut ressusciter, c’est aujourd’hui qu’il faut entrer dans ce mystère qui va transfigurer toute notre vie, pour que le mystère de Jésus, que la résurrection de Jésus, nous apparaisse en effet comme un moment essentiel de l’Histoire humaine et de la nôtre.
Le climat d’érotisme dans lequel nous vivons, où l’obscénité s’étale, ce climat d’érotisme nous éloigne évidemment à l’infini d’une vie ressuscitée puisqu’au lieu de donner au corps une dimension divine, il ne cesse de le replonger dans l’animalité.
Il ne s’agit pas d’ailleurs d’ouvrir un procès ni de condamner personne, mais de rappeler l’erreur immense que nous avons commise, que nous commettons tous les jours, l’erreur immense de considérer l’appel à la chasteté ou à la sobriété comme une limite, comme une défense, comme un interdit. C’est tout le contraire.
L’appel à la sobriété, l’appel à la chasteté, c’est un appel à la liberté, c’est un appel à l’infinité. On se trompe radicalement lorsqu’on ne voit pas que notre corps, ce que nous appelons notre corps en le séparant arbitrairement de notre âme, on ne voit pas que le corps, je veux dire que l’homme tout entier, aussi bien dans ses facultés organiques que dans les plus subtils mouvements de sa pensée, que l’homme est esprit.
Esprit, qu’est-ce que cela veut dire ? Justement qu’il est appelé à se faire. Au lieu de se subir, il est appelé à se créer. Au lieu d’être soumis aux impulsions de son inconscient, il est appelé au contraire à harmoniser les plus ultimes racines de son être, à transfigurer toutes ses cellules pour que son être tout entier soit vraiment sa création propre, pour que son être tout entier respire une liberté divine. Il faut comprendre cela, c’est tellement capital : nous avons à créer notre corps aussi bien que notre pensée, à le créer dans sa dignité humaine.
On parle sans cesse des droits de l’homme qu’on ne cesse de violer. On en parle sans cesse et avec raison : jamais on ne les proclamera trop fort ni trop haut. Mais qu’est-ce que cela veut dire, «les droits de l’homme» ? Si l’homme n’est que viscères, si l’homme n’est qu’instinct, quels droits pourrait-il avoir ? S’il a des droits, si chaque homme est inviolable, c’est dans la mesure où chacun est le porteur d’une valeur infinie, où chacun est un bien commun, où ce qui se passe au plus intime de chacun intéresse toute l’humanité et tout l’univers.
Mais ce n’est pas, bien sûr, en invitant l’homme à satisfaire sans aucune discipline, sans aucun respect tous ses instincts, ce n’est pas de cette manière que l’on établira les Droits de l’Homme. Ces droits resteront un thème à discours et la guerre continuera, et le massacre, et l’injustice, et le viol.
Il s’agit donc pour nous de reprendre conscience que la vie ressuscitée nous concerne, qu’elle s’adresse en nous à ce qu’il y a de plus intime, qu’elle nous révèle à nous-mêmes notre dignité, qu’elle nous invite à réaliser un chef-d’œuvre de lumière et d’amour dans toutes les fibres de notre être et qu’elle veut du même coup glorifier ce corps en le divinisant; le glorifier: c’est-à-dire lui donner un rayonnement pacifique et lumineux. La vie ressuscitée à laquelle nous sommes appelés, correspond donc à ce qu’il y a de plus intime en nous.
Chacun de nous a le sentiment de sa valeur. Il en a surtout le sentiment lorsque les autres la méconnaissent. Alors il la défend de toutes ses forces parce qu’il perçoit qu’il y a en lui, quelle que soit sa conduite, il y a en lui malgré tout une profondeur insondable, il y a en lui une possibilité créatrice, il y a en lui un bien qui peut être, qui est appelé à devenir un bien universel.
Les milieux chrétiens — qui le sont si peu d’ailleurs — les milieux chrétiens s’ouvrent d’une manière terrifiante à ces appels de l’érotisme et on assiste à une sorte de glorification du plaisir charnel offert à tous, y compris aux enfants, comme la chose la plus naturelle du monde. Il s’agit non pas bien sûr de voir dans le corps quelque chose qui ne soit pas noble et saint et pur, mais, au contraire, de voir dans le corps précisément le temple du Seigneur et les membres de Jésus-Christ.
C’est précisément parce que le corps est si précieux, c’est parce qu’il est appelé à vivre éternellement, c’est parce que maintenant déjà il doit vivre d’une vie divine, c’est à cause de cela qu’il faut le traiter comme on traite une cathédrale, un tabernacle ou un ciboire.
Il faut que les chrétiens soient les apôtres justement de cette transfiguration. Il faut qu’ils affirment la dignité de l’homme sous tous ses aspects. Il faut qu’ils restituent à la fonction créatrice sa noblesse divine. Il faut qu’ils la réintroduisent dans la trinité — car il y a une trinité humaine : le père, la mère et l’enfant, comme il y a une Trinité Divine : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
L’amour est toujours trois personnes et malheur à l’amour s’il se limite à deux personnes. Il en faut trois pour constituer ses assises. Il en faut trois pour que l’amour se désapproprie, pour qu’il devienne une liberté, une offrande, un espace infini.
Saint Paul dans l’Église de Corinthe, cette ville de Corinthe qui était dans l’Antiquité précisément une ville de plaisir, saint Paul, voulant inculquer à ses fidèles le sens même de la chasteté et de la sobriété ne leur dit pas : « C’est défendu », ne leur dit pas : « II faut avoir honte de vous-mêmes », il leur dit au contraire : « Ne savez-vous pas que vos membres sont les membres de Jésus-Christ ? Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple du Saint-Esprit ?» (1 Co 6/15). Saint Paul les invitait et nous invite à notre tour à vivre la vie ressuscitée car, bien sûr, dans la mesure où nous nous laissons pénétrer par la Lumière Divine, dans la mesure où nous respirons le Christ qui demeure en nous, dans cette mesure déjà notre corps ressuscite, déjà il va à la mort, déjà il se prépare à la surmonter, déjà il pose en lui les prémices de la résurrection au dernier jour.
C’est dans cette perspective, c’est à travers cette expérience que la Résurrection de Notre-Seigneur devient quelque chose d’actuel, de passionnant, quelque chose qui mord sur notre vie parce qu’il y a dans notre vie alors une coïncidence, il y a déjà un mouvement vers ce dépassement créateur, il y a déjà une expression de cette liberté divine.
« Celui qui fait la vérité vient à la lumière» (Jn 3/21). Les mystères de Dieu ne constituent pas un discours. Les mystères de Dieu sont les confidences brûlantes du Cœur du Seigneur et on ne peut pas les entendre sans les vivre et c’est cela que nous avons à demander les uns pour les autres au Seigneur avec le sentiment de toutes les fautes que nous avons commises, avec la certitude pourtant qu’elles peuvent être pardonnées.
C’est cela que nous avons à demander au Seigneur : que notre vie rende hommage à Sa Vie, que notre vie soit constamment illuminée par la prise de conscience de Sa Présence au plus intime de nous afin que nous ayons ce souci d’exprimer Dieu dans tout notre être, dans toutes les fibres de notre chair pour accomplir le programme si émouvant, si bouleversant que saint Paul donnait aux Corinthiens : « Mes frères, glorifiez et portez Dieu dans votre corps » (1 Co 6/20).
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SOURCE : publié par Anne Sigier en octobre 1987; cette homélie de MZ figure en page 347 de 452.
Bonjour. Nous n’avons pas la référence mais je crois qu’il est tiré de la retraite donnée à Beyrouth en 1973.
La voici : publié par Anne Sigier en octobre 1987; cette homélie de MZ figure en page 347 de 452.