Pour le couple qui s’engage dans l’avenir, la maison symbolise souvent ce lieu où le foyer se construit. Elle représente le gage de la stabilité, l’espace d’accueil des invités qui seront conviés à la table, et le berceau des enfants qui viendront former la famille. La maison construit souvent l’histoire conjugale et par le fait même, l’histoire familiale qui en découle.
Il n’est alors pas étonnant que certaines préparations au mariage préconisent une soirée d’information sur le sujet d’achat immobilier afin de guider les jeunes fiancés vers un choix judicieux étant donné la mesure financière que cet achat requiert.
Mais il arrive, pour de nombreux couples, que le choix de devenir propriétaire ne pourra pas se concrétiser. Parfois par choix, notamment chez les couples qui décident de s’expatrier pour le travail, mais le plus souvent par manque de moyen financier.
D’entrée de jeu, je dois dire que, pour notre part, nos choix de vie nous ont amenés à être, plus souvent qu’autrement, locataires. Nous avons été propriétaires d’une maison seulement durant dix ans. Puis, déménagement outre-mer oblige, nous revoilà locataires.
J’envie secrètement ces couples qui sont enracinés à une maison. Mais, au fond, l’histoire d’une vie conjugale ne se limite pas à un espace. Elle s’inscrit davantage dans la zone temporelle et les souvenirs qui se forgent peuvent s’attacher à plusieurs lieux qui ont été habités. Le premier appartement dans lequel nous avons vécu fut un immeuble. Celui où nous étions encore étudiants -si mal équipé- et qui a accueilli notre premier bébé dans une petite chambre modeste. Nous avions récupéré des meubles à gauche et à droite pour rendre les lieux fonctionnels. Comment oublier cette table à trois pattes qu’il fallait appuyer contre un mur ? Cela forge forcément des souvenirs qui nous font rigoler aujourd’hui. Et on s’interroge (pas mon mari, surtout moi en fait!!!) : comment avons-nous pu vivre ainsi ?
Un peu plus tard, après avoir acheté notre premier véhicule, nous avons loué un logement en rez-de-chaussé avec jardin dans un quartier au nord de la ville, cette époque évoque la naissance de nos deuxième, troisième et quatrième enfants. Je revois la corde à linge qui traversait le jardin et où les couches cotons séchaient au vent en toutes saisons. Je nous revois autour de la table de cuisine avec mon mari lors de dîners aux chandelles que nous prenions parfois lorsque les bébés daignaient s’endormir et nous laisser un petit répit ! Cette table nous réunissait aussi pour faire un puzzle en famille ou des tampons-encreurs ! Mes petits y ont fait leurs premières armes en cuisine, échappant parfois un œuf à côté du saladier. Et dire que ces grands enfants cuisinent si bien aujourd’hui !!!
La cinquième est née dans un logement un peu plus grand où nous ne fûmes pas longtemps. Mais c’était la maison de la musique ! Combien de répétitions de violon, de piano ne s’y sont déroulés ? Quand je ferme les yeux et que je pense à cet endroit, j’entends encore les partitions et les notes de musique (avec ses couacs!). Mon mari les accompagnait dans leurs premiers pas musicaux.
Les sixième, septième et huitième enfants sont nées dans la maison que nous avions achetée. Maison chaleureuse par la présence du bois. La salle à manger a accueilli tant d’amis à notre table qui avait alors un espace propice à cela ! La maison débordait de vie et d’enfants !
Puis, nous sommes déménagés et sommes allés toute la famille vers de nouvelles aventures par-delà l’Atlantique. Nous y avons découvert une vie plus rurale et fait d’innombrables balades ensemble. Ce fut la marque de ces années ainsi que le début vers la vie adulte des plus grands !
Chaque lieu a laissé une trace dans nos mémoires. En fait peut-être est-ce plutôt le contraire ? Nos anciens voisins se souviennent sûrement de la « vitalité » qui se dégageait de notre lieu d’habitation. J’espère qu’ils ne cauchemardent pas trop en se rappelant de nous à travers les cris d’enfants, les pleurs, les anniversaires !!!
Si je m’arrête et réfléchis : cela ne change rien que nous ayons été propriétaires ou non des lieux. Ce qui a compté c’est la vie qui a pu se vivre dans ces espaces. L’odeur du gâteau qui cuisait, la chaleur qui nous réunissait autour de la table, les moments partagés sur le canapé à discuter ou regarder un film. C’est le vécu qui construit la vie de couple et de famille. Il n’est pas nécessaire de posséder un grand château pour se lancer dans la vie à deux ! On n’y est pas plus heureux !