Quand nos rameaux deviendront tendres
Ce scénario de catastrophe a le don de nous effrayer. Pourtant, face à la peur que
son discours pourrait engendrer, Jésus nous rassure : son appel est un avertissement, il
nous responsabilise, il donne confiance. Jésus parle de sa venue victorieuse,
rassembleuse. Dans un monde marqué de violence et de mort, le Fils de l’homme
s’avance glorieux et puissant; il est proche, « il va venir comme un soleil, comme une
éclaircie ». La « fin du monde » nous apparaît dès lors comme une étape décisive certes,
clarificatrice, une sorte de passage vers autre chose, vers un grand avenir.
Pour en juger et pour nous en dire le secret, Jésus utilise une comparaison.
« Quand les rameaux du figuier deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous
comprenez, que c’est bientôt l’été ». Le signe annonciateur des temps nouveaux, ne faut-il
pas le découvrir dans l’attendrissement des cœurs en train de s’accomplir? Dans la
conversion de nos pensées et de nos attitudes? Là où règnent encore la rudesse et la
violence, le mensonge, la culture des conflits destructeurs, la comparaison du figuier
retentit comme un appel à la compassion, à l’amour fraternel, au sens du vrai, de la justice
et de la miséricorde.
Jésus lui-même s’est engagé de façon exemplaire, jusqu’au bout dans une œuvre de
paix et d’amour. Il vient renverser notre tendance à faire le mal. Nous passons avec lui du
côté de la vie et de la vraie liberté. Quand l’égoïsme et la peur font place à la générosité, à
l’humble service, à la confiance, une nouvelle saison pour l’homme et la femme est
arrivée, où l’amour enfin l’emporte pour le pardon et la réconciliation? Dans nos peines et
nos souffrances autant que dans nos joies et nos exaltations, un courant d’espérance passe,
il remplit nos cœurs et nos pensées du souffle de Dieu lui-même.
Pouvons-nous bâtir un monde vraiment meilleur, unifié et réconcilié dans l’amour?
Ou bien est-ce un rêve, une utopie? Rappelons-nous le mur de Berlin et sa chute. On en
parle encore. L’évènement survenu il y a 23 ans n’est pas arrivé tout seul, sans
préparation. C’était ce soir-là l’irruption d’un nouveau régime, qui n’a pas fini de rallier
tout le monde; mais le processus était depuis plusieurs années engagé, son aboutissement
était irrésistible, son mouvement irréversible.
Ainsi en est-il de la victoire du Ressuscité. Elle est déjà notre victoire. Elle
demande à changer nos cœurs, à transformer déjà nos vies pour nous installer dès
maintenant dans le régime de l’Évangile. L’essentiel nous est déjà acquis. N’attendons
pas autre chose. Nous n’aurons jamais d’autre assurance, d’autres ressources que de nous
laisser porter nous aussi par le dynamisme de Pâques.
Notre monde vieillit et se défait, nous le savons. Il n’y a pas que la Covid-19 qui
nous menace. Nos certitudes, nos idoles sont incertaines, décevantes. Cherchons donc la
valeur sûre, le vaccin efficace pour contrer les forces du néant qui veulent nous détruire.
La seule immunité nous vient du Christ sauveur. L’énergie du Ressuscité nous entraîne
dans la douceur et la compassion, la justice et la pureté du cœur, du côté de l’amour et de
la paix. Le salut est là où prend place le plus grand amour, l’amour du Père et du Fils, cet
amour que l’Esprit Saint répand dans nos cœurs et dans nos bras pour nous donner d’agir
au nom de Celui qui le premier nous a aimés et s’est livré pour nous.
En cette Eucharistie, nous célébrons la tendresse du Père pour son Fils et pour nous
tous; nous faisons mémoire d’un don immense. Puisons à la source! Que nos cœurs y
trouvent de quoi s’attendrir et se convertir pour aller ensuite annoncer à tous le printemps
promis, la présence agissante du Christ Sauveur, qui est venu, qui vient et qui viendra.