Rabindranath Tagore (1861-1941), romancier de talent, premier Asiatique à avoir reçu le prix Nobel de littérature (en 1913), fut aussi un grand réformateur, qui a cherché à arracher l’hindouisme aux pesanteurs inhumaines de certaines coutumes traditionnelles, et à promouvoir une éducation «moderne». Il avait un tempérament enclin au mysticisme, et n’eut aucun mal à exprimer en poète ses élans religieux. Adepte d’un Être suprême, le brahman neutre et irreprésentable, qu’il rapproche volontiers du dieu des philosophes des Lumières, il accorde, comme Gandhi, une grande place à la «Vérité» (le vrai, l’être et le bien étant, un peu comme chez Platon, étroitement articulés dans les philosophies indiennes). Les deux extraits choisis sont des passages lyriques enchâssés sans solution de continuité dans un exposé discursif sur la sagesse, mais le passage du discours à la prière ne pose pas de problème.
Ô Toi qui dispenses l’initiation, Toi qui montres la voie, si notre âme n’est pas prête encore, rends-la apte à T’accueillir. Frappe de Tes coups notre conscience endormie, afin qu’elle s’éveille et éclaire notre être. Mais ne Te détourne pas de nous ! Oh! Ne Te détourne pas! Si faibles que nous soyons, ne nous repousse pas au loin, derrière Tes Élus. Nous voulons faire nôtre la Vérité, en cette vie, sans hésitation et sans crainte. Permets que nous ne rendions pas vaine notre existence, que nous ne la laissions pas se perdre parmi les rebuts du non-vrai. Notre être entier appelle l’initiation à Ta Vérité. Oh! Donne-nous la force de nous ouvrir à elle!
En ce monde où Tu es Roi, Ton pouvoir est sans limites.
De nos cœurs aussi, que Tu veux pour Toi seul,
Tu es le Seigneur,
Et l’immensité de Ton ciel de Lumière
S’étend sous Tes pas.
Les foules angoissées, ne connaissant que Ta Loi,
Détournent le regard.
Mais ceux qui t’aiment abritent,
Dans la solitude de leur âme,
Une image de Toi toute de Grâce et d’Amour,
Et dans leurs veines coule le miel de Ta compassion.
Eux, les pauvres en esprit, sont délivrés de la peur.