« Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants sont agacées »
Ce verset biblique (Jérémie 31,29) me revient en mémoire lorsque l’actualité met en vedette et en manchettes la macabre découverte de cadavres d’enfants « autochtones » confiés à une institution catholique de Colombie-Britannique, voici quelques décennies.
Mon intention n’est pas de procéder ici à une enquête et encore moins à un réquisitoire, mais, au delà de la stupeur et du dégoût que m’inspire cette nouvelle, je voudrais faire entendre qu’il s’agit là d’un fait hélas récurrent et universel.
Il y a quelques années, un rapport fameux1 a dénoncé la complicité – occulte – de mon pays (La Suisse) avec le régime nazi. Je suis persuadé que la majorité de mes concitoyens de ce temps-là ignoraient ces faits. Une minorité toutefois les approuvait et une autre minorité les dénonçait en accueillant clandestinement à nos frontières des juifs qui fuyaient les camps de la mort.
De même, il a fallu attendre ce vingt et unième siècle pour débaptiser des places publiques au milieu desquelles s’élevait la statue d’un marchand d‘esclaves africains dont les profits avaient enrichi et embelli sa ville natale. Personne n’y voyait mal à l’époque.
Ceci dit, je ne suis pas certain que la société contemporaine fasse preuve d’un sens moral plus affiné. Elle a « inventé » les génocides dont je me refuse à établir ici la liste de peur d’en oublier un. Et quelle accusation porteront contre nous les générations qui nous survivront ?
Reste que nos dents sont « agacées » par les fautes de nos pères. Nous ne sommes pas responsables de leur conduite, mais nous en portons les conséquences. Notre silence pourrait accréditer leurs malversations pour ne pas dire leurs crimes. Alors que faire ?
« Repentance », bien sûr. Mais comment éprouverais-je un sentiment personnel de contrition pour une faute que je n’ai pas commise ? Repentance alors du groupe social auquel j’appartiens moi et mes « pères » ? Groupe qui a pu tolérer autrefois des comportements qu’il désavoue aujourd’hui. Pourquoi pas. Mais comment éviter les touchantes déclarations de repentance collective qui ne coûtent rien et demeurent inefficaces ?
Alors des « réparations », financières surtout ? Elles sont possibles et nécessaires quand les victimes survivent et si leurs descendants souffrent encore des injustices qu’ont subies leurs ancêtres.
Plus que tout, s’impose l’exigence d’une « conversion » de nos mœurs actuelles, individuelles et sociales. En l’occurrence, demandons-nous comment nous accueillons aujourd’hui les « autochtones » qui frappent à nos portes. J’écris ces lignes ce dimanche consacré aux « réfugiés » de partout. Contrairement à l’évangile que je lise ce jour-ci, la mer que traversent ces naufragés est loin d’être apaisée.
Mieux vaut s‘atteler activement à faire advenir maintenant un monde fraternel et juste que verser des larmes hypocrite sur un passé, assurément odieux et qu’on espère ne plus revoir.
Prévenir vaut mieux que guérir !
1 Commission Bergier 1996 -2001