Il vaudrait peut-être mieux n’en plus parler. Se taire sur le sujet. Passer, sans plus s’attarder, à autre chose. Maintenant que c’est presque fini, que c’est apparemment sous contrôle. Nous sommes en train de retrouver enfin la normalité. Vaudrait peut-être mieux regarder en avant, s’occuper de ce qui s’en vient. Faut-il taire et oublier ce dont nous sortons à peine? Peut-être que d’y réfléchir, cela pourrait nous aider à tirer profit de ce que nous avons vécu pendant les derniers mois.
Faut-il d’abord le rappeler? Nous venons de loin! Nous sommes allés ensemble très loin du côté du jeûne, de la privation, des contraintes. Et de cela on ne sort pas comme ça. Nous sommes un peu, j’imagine, comme le prisonnier qui sort de sa prison après des mois de réclusion, ou comme celui qui sort enfin d’un camp de transition ou de concentration quand est venue l’heure de la libération.
On ne passe pas du jour au lendemain d’un état de réclusion forcée et de restriction importante, à un état de pleine liberté et de prise en charge personnelle. Il nous faut des paliers, des adaptations, des étapes de transition. Maintenant que les contraintes ont cessé, le balancier risque de passer à l’extrême opposé. Il arrive souvent qu’on chasse un excès par un autre excès. C’est notre tendance spontanée. Ne chasse-t-on pas une idée par son contraire? Or les excès ne sont jamais souhaitables.
Durant la longue période de confinement que nous avons connue, toutes les lois de la psychologie humaine et de la sociologie se sont appliquées. On nous disait à mesure quoi faire. Les interdits se multipliaient « ad nauseam ». Il s’est produit comme une substitution de responsabilité ou une sorte d’aliénation. Il fallait nous en remettre à la Santé publique, aux décrets gouvernementaux. Une discipline nouvelle s’est imposée à nos vies. Nos marges de manœuvre se sont rétrécies. Voilà que peut-être nous y avons pris goût. Nous en avons profité pour nous libérer de bien des habitudes de vie qui étaient devenus trop exigeantes et lourdes. Nos attaches sont peut-être devenues douces et acceptables. Nous étions désormais apprivoisés!
Se peut-il qu’on ait ainsi abusé de notre bonne volonté, de notre servilité? Se peut-il qu’on nous ait inculqué la peur, une peur exagérée, pour nous plonger dans l’obéissance et la docilité? Avoir été un peu plus laissés à nous-mêmes ne nous aurait-il pas mieux aidés à servir la cause? N’aurait-il pas été mieux de laisser les gens décider par eux-mêmes sur certains points, trouver les formules ajustées sur le terrain pour se protéger? Inventer une nouvelle manière de vivre avec l’objectif rigoureux de ne pas être atteint de la Covid? Fallait-il nous mettre pire qu’en prison, en nous imposant autant de réclusion?
À mon avis, beaucoup de souffrances inutiles ont été produites, engendrées par des mesures parfois trop drastiques. Je pense à tous les isolés, les interdits de visite, aux couples renfermés, seuls l’un avec l’autre, condamnés à se retrouver ensemble sans amour, sans pouvoir aller dehors, sans pouvoir prendre une certaine distance. Condamnés parfois à la violence de l’autre.
Nous avons payé le prix fort pour notre vivre ensemble. D’où les frustrations nombreuses, le sentiment d’avoir été traités comme des enfants. C’était quelque chose comme le syndrome du paternalisme étatique. Au lieu de la nuance, une uniformisation à outrance des règles!
L’uniformisation et le contrôle étaient nécessaires, diront les politicien, les chefs de gouvernement. Il fallait bien sauver le bateau. Tout cela n’aurait pas été nécessaire si les gens avaient compris, s’ils avaient pris spontanément les précautions nécessaires. Nous n’avions pas le choix! C’est bien dommage pour ceux et celles qui ont souffert, qui se sont déprimés, qui ont perdu leur motivation pour vivre. En voulant sauver le monde, on a perdu bien des gens en chemin.
Jacques Marcotte, O.P.
Québec, QC