Nous fêtions ce dernier dimanche dans notre diocèse un saint évêque que l’on appelait en son temps Monsieur de Genève. Contemporain des femmes et des hommes qui fondèrent Québec et Montréal, de la même trempe que Marguerite Bourgeois, de Mgr de Laval ou de Mère Marie de l’Incarnation. Sauf que François de Sales ne fut jamais installé dans sa cathédrale genevoise transformée en temple réformée quelques décennies plus tôt. Et de surcroît chargé de ramener à la foi catholique une partie de son diocèse indûment annexée à « La Rome protestante ». Une mission difficile pour cet évêque vagabond et clandestin. Un peu comme le fameux roi Jean sans Terre, désireux de reconstituer le royaume dont il avait été dépouillé.
Alors que son souverain était tenté d’utiliser la contrainte pour ramener ses sujets à l’ancienne foi, François s’y opposa, On a retenu une de ses devises préférées : « Rien par force, tout par amour ». Et il s’employa à lui faire honneur, souvent au risque de sa vie. J’ai visité à quelques lieues de chez moi le refuge qui lui servait d’abri au milieu d’une région qui lui était hostile, tout en retenant le bras de son prince qui rêvait de croiser du fer pour ramener à la raison ces hérétiques obstinés.
La méthode missionnaire de François me paraît heureusement décrite dans cette recette qu’il avait lui-même concoctée : « Dans la conduite des âmes, il faut une tasse de science, un baril de prudence et un océan de patience ». Nos évangélisateurs modernes de toute robe feraient bien d’utiliser dans leur proportion ces ingrédients essentiels à une gastronomie œcuménique de qualité. Refusant d’agresser par les armes ses opposants, privé de chaires pour les admonester et les endoctriner, François rédigeait de petits billets, extraits de son catéchisme, qu’il se contentait de glisser sous leurs portes. Il préférait attendre avec patience le jour où il discuterait pacifiquement avec eux du bien-fondé de ses arguments. Est-ce la raison pour laquelle on a fait de François de Sales le patron des journalistes ?
Que ceux et celles qui assimilent François à un polémiste poussiéreux et intolérant se souviennent que cet évêque fut aussi un chantre de l’Amour de Dieu et de l’amour tout court. Tous aimés de Dieu, mais chacun à sa manière. Comme cet océan fleuri que Monsieur de Genève admirait dans l’échoppe d’une « bouquetière » qui en tirait une foule de petits bouquets diversement colorés. Cette image fleurie sert d’exorde à l’ouvrage le plus célèbre de François de Sales : « Introduction à la vie dévote ».
« Le monde, écrivait–il encore, est né de l’amour, il est soutenu par l’amour, il va vers l’amour, il entre dans l’amour. »