Une expérience inoubliable!
La grande course des navigateurs du Vendée Globe a duré deux fois 40 jours pour les 10 premiers arrivés. En solitaire. Sans assistance. Sans escale. Une expérience qui finit par être extrême, tellement elle est exigeante en fait de capacités nécessaires, de ressources personnelles exploitées au maximum, d’endurance et d’habiletés techniques exceptionnelles. Mais ce qui revient le plus à la fin c’est cette conscience vive des participants d’avoir mûri, d’être transformés intérieurement par cette expérience, Peut-être éprouvent-ils quelque chose de ce que les disciples, Pierre, Jacques et Jean ont pu ressentir en redescendant de la montagne ce jour-là? Quelque chose s’est passé qui les a touchés au point de vouloir rester là-haut. La liturgie de ce dimanche nous en met plein la vue et les oreilles d’un événement et de paroles qui nous tournent vers le Mystère du Christ. Les récits sont particulièrement riches d’enseignement!
Commençons avec le livre de la Genèse, dans la 1ère lecture, où nous voyons Abraham obéir à la demande du Seigneur d’immoler son fils, l’enfant de sa vieillesse, l’enfant de la promesse. Tout ce qu’Abraham et Sara chérissaient le plus au monde, il fallait donc aller l’offrir là-haut? Ça n’a pas de bon sens! Pourtant Abraham écoute Celui qui lui parle. Il s’est abandonné à lui depuis si longtemps! Non, il ne va pas briser ce lien de confiance qu’il a avec son Dieu. C’est pourquoi il prend le fils et il se met en route. Déjà il s’apprête à immoler l’enfant. Son geste nous étonne et nous répugne, mais l’obéissance d’Abraham ira jusque-là s’il le faut. Un geste qui témoigne de l’absolu de sa relation à Dieu. Or c’est assez pour que le père Abraham retrouve son fils, et que Dieu s’engage à nouveau et plus que jamais avec lui pour un avenir qui dans le Christ déborde jusqu’à nous et plus encore.
Nous comprenons que ce à quoi Abraham tient le plus en tout ce qui lui arrive, c’est à sa relation de confiance avec Dieu. Ce Dieu qui lui parle, qui le guide, qui lui donne tout, qui lui prend tout. Le Dieu de l’Alliance est pour lui un ami. Il n’a rien de moins à donner que lui-même, dans une relation vivante qui se traduit dans une écoute mutuelle. « Je l’avise, il m’avise » disait le curé d’Ars.
D’où nous apprenons que notre foi en Dieu est à ce prix : elle exige tout de nous, elle nous donne tout de lui. C’est l’histoire d’une parole donnée et reçue dans l’amour, où se bâtit une relation étanche et totale de nous avec Dieu, de Dieu avec nous. Être écouté de lui. L’écouter à notre tour. Il n’y a que cela qui compte finalement. Le reste est relatif. Une telle foi demande à nous libérer de tout ce que nous avons, de tout ce que nous n’avons pas encore, pour mettre avant tout en valeur notre relation vivante avec Dieu. C’est là le nœud où tout peut s’organiser dans notre vie. Pour notre liberté, pour notre pleine disponibilité. Cela explique qu’il y ait des vies toutes données, des vies sacrifiées, des vies sanctifiées dans la foi au Dieu vivant.
C’est un peu tout cela qui est en cause sur la montagne de la transfiguration. Les trois disciples y retrouvent leur maître, au cœur de sa relation avec le Père, entouré d’abord de Moïse et d’Élie, la Loi et les prophètes. Les voici tous deux en dialogue avec Jésus. Nous serions tentés de les séparer, de leur donner une tente à chacun, comme Pierre le propose. Mais la nuée les recouvre pour nous livrer finalement Jésus seul, lui sur qui le Père a prononcé ces mots : « Celui-ci est mon fils bien-aimé. Écoutez-le! »
Tout cela pour nous dire que c’est lui seul que nous devons écouter, lui qui ne vient pas abolir la Loi ni les prophètes. Il vient les accomplir. Il les rassemble en lui. N’est-il pas le Verbe, le Chemin, la Vérité, la Vie? C’est en lui que Dieu nous parle. C’est lui qu’il nous faut maintenant écouter et suivre. C’est en lui que nous vivons toute relation vivante avec le Père. Et « soudain, regardant tout autour, ils ne virent plus que Jésus seul avec eux ».