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Nous deux,

Responsable de la chronique : Caroline Pinet
Nous deux

L’heure juste

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Le journaliste Pierre Bonte, le chantre populaire des terroirs, avait réalisé en 1977 un portrait délicieux d’un vieux couple de Bourguignon. Monsieur Dureuil 87  ans, alors, et madame Dureuil, 84 ans nous offre à voir un portrait charmant d’un couple qui vit 63 ans de mariage dans la simplicité et sans ambage. Loin de la télé-réalité moderne ou des comptes Instagram qui nous vendent du bonheur calibré aux normes qui vendent du rêve, ce couple parle de la vie brute. Ils ne font pas rêver ! Quand on questionne le vieux à savoir pourquoi il a épousé sa femme, il ne s’embarrasse pas de lieux communs : il partait à la guerre de ’14, sa mère venait de mourir et il fallait bien quelqu’un pour être là ! « Il m’en fallait une ! » Imaginons aujourd’hui un tel discours ! Quelle femme ne serait pas piquée au vif d’entendre son mari exprimer un tel choix de sélection… ? Madame Dureuil rit. Monsieur Dureuil a bien précisé d’abord que le plus beau moment de sa vie a été quand ils se sont mariés. Est-ce la pudeur de ne pas dévoiler ses sentiments ? Est-ce parce qu’il a cet humour corrosif auquel sa femme est habituée ? Malgré cette remarque peu romantique, ce couple transpire d’amour l’un envers l’autre. On le sent sur leur visage. Ils s’aiment !

Le reportage qui se déroule sous nos yeux, illustrant la vie de ces vieux amants, nous sert uniquement l’envers du décor ! Elle ne cache pas qu’ils ont des « mots ». « Ce n’est pas bien grave », dit-elle en riant ! Après, ça revient ! Et puis, elle ne cache pas son agacement quand il commence à raconter sa « guerre de ‘14 » ! Elle ne dissimule pas qu’il est difficile « sur tout » ! Mais, toute sa tendresse s’inscrit dans cette phrase : « il faudra ben s’quitter… il est tellement gentil ! » On saisit alors qu’ils se sont mariés pour le meilleur et pour le pire jusqu’à ce que la mort les sépare. Et que bien que résignés, ils la redoutent sans doute…Ils s’aiment.

Autre fait étonnant à nous autres « couples modernes », ils ne vivent pas à la même heure ! Monsieur Dureuil a adopté la nouvelle heure, c’est-à-dire l’heure allemande qui est une heure de plus sur le fuseau horaire français. Madame Dureuil est restée à la vieille heure française. Ainsi, elle relate que lorsque son mari rentre pour manger le repas du midi vers 11 heures 30, à son heure à elle, il n’est que 10 heures 30. Donc, il attend ! Comment est-ce pensable qu’on puisse vivre à des heures différentes sous le même toit ? Tous les spécialistes conjugaux diraient « ajuster vos horloges, vos montres ! Accordez-vous sur l’heure afin d’éviter les conflits ! » Chacun semble avoir la tête dure. Aucun ne fait de concession là-dessus ! Et pourtant, ils parviennent à 63 ans de mariage, le visage rieur. Chapeau !

Dans Isaïe, 55 :8, on lit : « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, dit l’Eternel. » 

Nous avons une pensée très technocratique du couple. Nous fondons, non sans à-propos, la vie conjugale sur des principes, des règles, des ajustements utiles. Mais, à travers ces techniques d’entente nous oublions que mieux que d’avoir nos montres accordées, il faut avoir l’heure juste, celle du cœur.

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