Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22, 15-21
En ce temps-là,
les pharisiens allèrent tenir conseil
pour prendre Jésus au piège
en le faisant parler.
Ils lui envoient leurs disciples,
accompagnés des partisans d’Hérode :
« Maître, lui disent-ils, nous le savons :
tu es toujours vrai
et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ;
tu ne te laisses influencer par personne,
car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens.
Alors, donne-nous ton avis :
Est-il permis, oui ou non,
de payer l’impôt à César, l’empereur ? »
Connaissant leur perversité, Jésus dit :
« Hypocrites !
pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
Montrez-moi la monnaie de l’impôt. »
Ils lui présentèrent une pièce d’un denier.
Il leur dit :
« Cette effigie et cette inscription,
de qui sont-elles ? »
Ils répondirent :
« De César. »
Alors il leur dit :
« Rendez donc à César ce qui est à César,
et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Une double appartenance !
Ces paroles d’évangile résonnent dans un contexte social et politique tourmenté, quand partout sur la planète, dans les grandes villes, on est aux prises avec la pandémie interminable. La morosité s’est installée comme l’automne avec ses pluies fortes, ses nuages lourds et menaçants, ses vents en rafales. Les gens s’inquiètent, sont en colère, s’impatientent et se découragent. La santé publique et les gouvernements sont débordés. Les divers groupes sociaux et religieux se disent ignorés, mal compris, rejetés par les instances de la Cité.
La réponse de Jésus à la question des pharisiens a-t-elle quelque chose à voir avec les circonstances que nous vivons ? Sans viser directement cette situation inédite, l’Évangile lui apporte un éclairage important, il me semble. Jésus, tout en clouant le bec à ses interlocuteurs, met de l’ordre dans nos rapports avec les autorités civiles. En fait il reconnaît la nécessaire interaction de diverses instances. Loin de suggérer un désintéressement ou un affranchissement, le Seigneur invite plutôt à prendre en compte les responsabilités partagées, à les mettre en juste perspective.
Rendez à César ce qui est à César. Il fallait de l’audace pour dire ça. Ils sont bien pris ceux qui croyaient prendre Jésus au piège avec leur question. N’ont-ils pas en fait sur eux, à portée de main, la monnaie qui trahit leur appartenance effective? Cette consultation est pure hypocrisie de leur part. Elle permet cependant au Seigneur de mettre les points sur les i. Les pharisiens, fervents nationalistes juifs, et les partisans d’Hérode, fervents collaborateurs des romains, apprennent que ce qui compte pour le disciple du Christ, c’est de faire honneur à sa double condition d’enfant de Dieu et de citoyen du monde. Dieu lui-même ne s’est-il pas rendu présent à notre monde en son Fils ? N’a-t-il pas pris chair de notre chair, jusqu’à vivre avec nous, solidaire de notre condition humaine ? Rendre à César ce qui est à César prend dans le Christ sa pleine signification. C’est un mystère à vivre avec lui. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu ne vient pas annuler la première consigne et n’invite pas à l’évasion. Notre amour de Dieu est inclusif de l’amour et du service du prochain, il passe par le respect des nécessités de la vie et des conditions matérielles et sociales de l’existence humaine.
Rendez à Dieu ce qui est à Dieu. N’oublions pas que c’est lui le plus important. Le plus grand. Le plus fort. Mais gardons une implication forte et généreuse dans la maison humaine, dans la société des hommes que Dieu a voulue et sanctifiée. Rendre à Dieu ce qui est à Dieu, à César ce qui est à César, ça va ensemble. Notre foi nous demande, et elle nous en rend capables, d’intégrer ces deux ordres, ces deux mondes, sans les mettre en compétition.
La foi, la charité et l’espérance nous sont donnés pour ça : pour introduire le spirituel, la pensée de Dieu dans notre monde, une pensée qui est intelligence, sagesse, justice, sens du partage, esprit de paix et de communion. Rappelons-nous le mot de S. Paul aux Thessaloniciens : « Nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon, en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. »
Nous aussi, frères et sœurs, chacun, chacune à notre place, selon notre appel, nos compétences, sachons témoigner d’une vie complète. Allons bravement dans le sens de la justice, de l’équité, du droit et du partage. Gardons notre cœur et notre esprit ouverts sur Dieu en priorité, et lui-même il fera – comme l’écrit encore S.Paul – que « notre annonce de l’Évangile ne soit pas simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, certitude absolue. »