Oser le pardon!
« N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel ». C’est ce que nous demande S. Paul en 2electure; ajoutant que si nous aimons notre prochain nous accomplissons tout ce qui nous est demandé envers lui, tout ce que la Loi exige. L’amour ne fait pas de mal au prochain. Non seulement il ne fera rien d’injuste et de malveillant, mais il lui fera tout le bien possible. L’amour vrai du prochain nous ouvre sur l’infini de tout ce que nous pouvons faire de bon pour les autres.
Tout cela est bien beau et parait facile. Mais dans le concret, ce n’est pas toujours évident! La première lecture et l’évangile abordent justement le cas où l’amour du prochain a fait défaut; quand il y a eu offense et blessure et malversation entre nous. Comment réagir en pareil cas, pour ne pas entrer dans l’escalade de la violence et empirer une situation déjà conflictuelle?
Il nous est proposé de ne pas prendre le parti de nous taire et d’exclure ce prochain qui nous a offensés, mais de le sauver en cherchant à reprendre contact avec lui. Ne sommes-nous pas les gardiens de nos frères et sœurs?
Notre vocation et notre capacité de dialogue avec notre prochain, quel qu’il soit, viennent de loin. Nous les tenons de source. « Au commencement était le Verbe, écrit l’évangéliste S. Jean; et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. » Dieu lui-même parle. Il est Parole. Parole créatrice. Il a fait le monde par sa parole. Il a fait de nous des êtres de parole. Une parole qui n’est pas que des mots. C’est une pensée, une sagesse, des gestes concrets. Une parole qui demande qu’on l’écoute. Des propos qui tissent entre nous des liens et des réseaux de communion et de paix.
Dieu a parlé à Abraham, aux patriarches, à Moïse. Il a parlé aux prophètes. Il s’est dit et révélé en son Fils Jésus. Il s’est fait parole toute proche, humaine, sur nos chemins. Toujours il parle à qui veut l’entendre. Si Dieu nous a donné l’usage de la parole, c’est pour dire comme lui la paix, la réconciliation, le pardon. Une parole d’amour nous a fait; elle nous interpelle pour une réponse d’amour.
Car si Dieu nous parle, c’est pour que nous l’écoutions. Rappelons-nous Ézéchiel : « Fils d’Homme je fais de toi un guetteur pour la maison d’Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. » C’est tout le sens de la mission prophétique que d’écouter Dieu qui parle et de communiquer son message aux autres. Entendre, accueillir et transmettre cette parole. Pour qu’elle puisse trouver une écoute et susciter une réponse qui soit conversion, changement, avenir meilleur, espérance.
Ce qui est dit de la correction fraternelle suggère qu’il nous faut parler franchement et faire aux personnes concernées les reproches appropriés. Il s’agit alors d’un cas particulier de cette condition générale dans laquelle nous sommes : gens de parole et d’écoute les uns à l’égard des autres. Écouter ou ne pas écouter, c’est l’enjeu de l’évangile, c’est l’enjeu de notre bonheur. Écouter jusqu’à accueillir, faire silence, nous convertir. Pour ensuite dire une parole qui porte et prend résonance divine : « Amen, je vous le dis«; tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » C’est dire tout le sérieux et la gravité de nos dires.
Puissions-nous ne parler que par amour de charité, avec compassion, respect, justice. Le souffle divin passe alors en nous. Sachons l’écouter et communier ainsi à la Parole créatrice, libératrice, fondatrice d’alliance et de paix.