Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 26-33
En ce temps-là,
Jésus disait à ses Apôtres :
« Ne craignez pas les hommes ;
rien n’est voilé qui ne sera dévoilé,
rien n’est caché qui ne sera connu.
Ce que je vous dis dans les ténèbres,
dites-le en pleine lumière ;
ce que vous entendez au creux de l’oreille,
proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps
sans pouvoir tuer l’âme ;
craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne
l’âme aussi bien que le corps.
Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ?
Or, pas un seul ne tombe à terre
sans que votre Père le veuille.
Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
Soyez donc sans crainte :
vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux.
Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes,
moi aussi je me déclarerai pour lui
devant mon Père qui est aux cieux.
Mais celui qui me reniera devant les hommes,
moi aussi je le renierai
devant mon Père qui est aux cieux. »
COMMENTAIRE
« Ne craignez pas! »
Mercredi prochain, chez nous, au Québec, ce sera la St-Jean : notre Fête Nationale! Nous serons encore une fois heureux de célébrer et de fêter. Le lien manifeste entre saint Jean Baptiste et la Fête nationale des Québécois pourrait faire croire que la dimension religieuse donne le ton et son sens à nos réjouissances du 24 juin. Mais, de nos jours, il nous faut bien le reconnaître, l’événement n’a plus beaucoup à voir avec le Prophète et Précurseur du Christ. Nous constatons qu’une déconnexion s’est produite entre l’aspect religieux et spirituel de la St-Jean et notre appartenance au Québec que nous célébrons ce jour-là.
Notre monde et notre société d’ici affichent plutôt une distance vis-à-vis la foi et l’espérance chrétiennes. Ceux et celles qui professent ouvertement leur foi et leur attachement au Christ, aux valeurs évangéliques et au précieux héritage spirituel que nous ont laissés nos ancêtres, sont devenus un bien petit nombre. Ils sont même parfois ridiculisés et persécutés dans les médias et l’opinion publique.
Nous retrouvons chez nous la situation religieuse minoritaire du prophète Jérémie rapportée dans la 1ère lecture, de même que le sort des disciples plongés dans les sociétés juives et romaines du 1er siècle, évoqué dans l’évangile. Témoigner de notre foi demande du courage, de l’entêtement; le disciple de Jésus court toujours le risque d’être désavoué par ses proches et ses concitoyens. Les faits et les tendances de notre monde actuel semblent d’ailleurs donner raison à ceux qui ne croient pas. D’où la tentation chez plusieurs croyants de l’évasion, du refuge en ghetto, hors du monde, en attente d’un Dieu qui fera tout à son heure.
L’Évangile et le prophète Jérémie nous disent pourtant qu’il faut être courageux, ne pas avoir peur, mettre notre espérance en Dieu et son projet, même s’il ne faut pas compter sur la pleine réalisation de ce projet dans notre condition présente. « Mon Royaume n’est pas de ce monde », disait Jésus. Nous n’allons pas voir le Règne de Dieu s’établir effectivement sur la terre. Il nous faut tendre vers son Avènement, sachant qu’il viendra par-delà notre mort.
Devant cette remise à plus tard, la tentation nous guette de ne plus vouloir nous impliquer, de ne faire qu’attendre, en nous disant qu’un jour viendra où ce sera le Grand Jour, mais que pour le moment, mieux vaut, comme tout l’monde, profiter de la vie, veiller à ne pas nous faire mal, et cela suffit. Cela revient à nous démettre, à vivre dans la peur et les ténèbres, et ce n’est pas ce que la Parole du Seigneur nous enseigne et nous demande aujourd’hui.
« Ne craignez pas les hommes! » Par trois fois cet appel nous est redit. Mais, alors que faut-il faire? Sommes-nous justifiés de mener une vie juste et droite, de vivre et de dire l’Évangile? Jésus nous répond que c’est là pour nous une sorte d’impératif et de nécessité. « Rien n’est voilé qui ne sera dévoilé. » Il nous donne mission d’annoncer les couleurs du Royaume, d’en vivre à l’avance, de préparer notre monde à y accéder le moment venu. « Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière. »
En fait la Parole nous demande d’éviter deux écueils, le 1er étant de vouloir bâtir de force et à tout prix le Royaume, comme si c’était notre affaire à nous. Nous manquerions alors de réalisme, de patience et d’humilité. L’autre écueil serait de penser que si le Règne de Dieu n’est pas d’ici-bas, il ne sert à rien de travailler à son avènement. Or, sur ce point, il faut nous rappeler les promesses de Dieu et, sur la base de ces promesses, tendre de toutes nos forces vers cet avenir, témoigner avec audace et courage par nos dires et nos actes de l’espérance qui est en nous, sachant que déjà des fruits de l’Esprit nous sont donnés en partage; ils sont les prémices et le gage du Royaume qui vient.
Jacques Marcotte, o.p.
Québec