Quand Dieu nous parle de Dieu
On raconte que S. Augustin se promenait un jour au bord de la mer. Il voit un jeune garçon en train de puiser de l’eau dans l’océan. Il remplit d’eau une petite chaudière pour la vider dans un trou creusé dans le sable. Étonné l’évêque demande à l’enfant : Que fais-tu là? Et l’enfant de lui répondre : Voilà, je compte bien réussir à transporter toute l’eau de la mer dans ce trou. – Tu perds ton temps, reprit Augustin. Tu n’y arriveras jamais. À ces mots l’enfant se redresse et dit à l’éminent théologien : C’est pareil pour toi. Tu cherches à saisir Dieu pour le mettre dans tes mots, dans ta pensée, dans tes livres. Tu n’y arriveras jamais. Dieu est trop grand pour toi. Il te dépasse infiniment. Et Augustin comprit que l’enfant avait bien raison. Dieu, nous n’arrivons pas à le connaître en profondeur, dans son essence, dans son mystère. Nous n’avons pas l’intelligence qu’il faut. Il y a bien en nous ce désir de Dieu, cette quête d’absolu qui nous tourne obstinément vers lui. Nous le cherchons, il nous faut le trouver. Mais il nous échappe totalement, par nature.
S. Thomas d’Aquin a beaucoup cherché Dieu. C’était la grande question de sa vie : Qui est Dieu? Or après qu’il eut travaillé très fort et produit de gros ouvrages, vers la fin de sa vie, Thomas disait : Tout ce que j’ai écrit, c’est pour moi de la paille. Sa contemplation, devenue mystique, lui donnait de voir bien plus que tout ce que ses études lui avaient donné de comprendre. Devant le mystère de Dieu, nous n’avons pas le choix d’être humbles et modestes.
Pourtant il ne faut pas nous résigner ni nous décourager. Dieu sait nos limites. Il n’a pas voulu nous laisser errer dans l’ignorance à son sujet. Il a pris l’initiative de nous rejoindre sur notre terrain. Depuis Abraham, qu’il a appelé de Mésopotamie, et qui a répondu dans la foi à son appel, Dieu s’est choisi un peuple, qu’il a, au temps de Moïse et de l’Exode, libéré de l’esclavage. Dieu accompagne ensuite ce peuple au désert, lui donnant une loi sainte. Il lui a donné des juges, des rois et des prophètes. Il préparait le terrain pour son Fils, qui allait venir. Jésus, fils de la Vierge Marie, Jésus de Nazareth, s’est révélé être l’envoyé du Père. Comblé lui-même de l’Esprit Saint, il est passé partout en faisant le bien. Il n’a pas joué au philosophe avec nous. Il n’a pas élaboré un modèle théorique sur Dieu. Le Dieu que Jésus nous a révélé est un Père, un amour de Père. Lui-même Jésus étant son Fils, sa Parole engendrée de toute éternité. Les deux, le Père et le Fils, ne font qu’un dans la communion de l’Esprit.
Le modèle de la relation parentale et filiale est unique et privilégié pour chacun/e de nous. Il a contribué à nous bâtir. Ce modèle, il est celui que Dieu assume en son être et qu’il réalise à la perfection. Le Père se retrouve dans le Fils, et le Fils dans le Père, et tous les deux sont en intime communion dans l’Esprit.
Voilà donc comment Dieu nous a parlé de lui-même. Il nous a montré son vrai visage en Jésus, l’Emmanuel, Dieu avec nous. Il est un Dieu qui a voulu vivre au milieu de nous, dans un grand geste d’amour et de rapprochement. Il est allé à l’extrême de l’amour, donnant même sa vie. Ce faisant, il communiait parfaitement à notre condition et nous sauvait de notre mal. Relevé d’entre les morts, le Fils bien-aimé du Père nous relève avec lui de la mort, de la peur et du péché. Sa vie de Ressuscité il nous la donne en partage. Nous en vivons déjà. Ce même Amour qui est Dieu, cet Amour que Dieu vit en lui-même, Père, Fils et Esprit, nous le vivons entre nous, si seulement nous entrons par la foi dans cette vie trinitaire, vie divine d’amour répandue en nos cœurs par l’Esprit.