Les survivants pourront dire que tout le monde en parlait, de ce damné virus qui depuis le début de l’hiver 2019 s’était mis à régner partout sur la planète terre, terrorisant tout le monde.
L’éditorial de Spiritualité 2000 du mois de mai 2020 ne pouvait pas ne pas en parler encore. Histoire de l’apprivoiser un peu plus, ce Covid-19, de lui enlever si possible un peu de sa malice, de son absolu pouvoir sur nos âmes. Il ne sera pas dit qu’il ne nous aura pas amené à réfléchir sur notre humaine faiblesse et à prendre une plus juste mesure de notre fragilité, de nos pauvres moyens de lutte en cette bataille rangée où les forces en présence sont tout-à-fait inégales.
On en a tellement parlé de ce virus qu’on a probablement épuisé le sujet sans épuiser pour autant la force agressive et pernicieuse, la virulence de e poison! Que pourrais-je ajouter sur le sujet?
On a dit le ravage que le virus peut faire en proportion de l’âge et de nos dispositions.
On a fait chaque jour le décompte des « cas ». On a dit le nombre des hospitalisés, des intubés, des décédés, des chanceux qui s’en sortent.
On a célébré, à juste titre, l’héroïsme des soignants, leur courage, leur compétence, leur compassion démontrées à grands coups de cœur et de veilles.
On a déploré par ailleurs les manques dans notre système de santé qui se traduit par de multiples hécatombes.
On a cherché les causes probables ou cachées, les origines mystérieuses de ce parasite. On s’est permis de montrer du doigt des boucs émissaires, bien sûr!
On parle du remède qu’on n’a pas encore trouvé, qu’il faut chercher, qu’on finira bien par inventer, nous disant qu’il y faudra beaucoup de temps.
Pendant tout ce temps, il nous faut bien tenir le coup. Il faut déjouer l’envahisseur, « aplatir la courbe » des dommages qu’il nous fait. Il faut nous protéger et, du coup, protéger les autres pour qu’ils nous protègent à leur tour. C’est du donnant donnant!
Face à cet ennemi commun, invisible et visiblement incontrôlable, que faire? Comment ne pas sombrer dans le découragement, dans une immense déception, dans la peur, dans la dépression, dans la folie?
Nous avions tellement de chance en ce début du 21e siècle, avec notre monde moderne, si intelligent, si capable, si confortable! C’était un monde que nous pensions sécuritaire, bâti à toute épreuve, fort, libre et promis à un bonheur certain. Quel désenchantement!
Voici que tout prend soudainement un goût amer. La confiance n’est plus là. Notre beau monde s’effondre. Tout est arrêté. Plus rien ne bouge. Allons-nous indéfiniment nous confiner? Nous mettre « sur pause » pour encore longtemps?
Mon avis, c’est qu’il nous faut apprendre à vivre avec ce virus. Accepter de vivre dans l’éphémère et l’instable, avec le risque et le danger qui désormais nous guettent. Placer nos rêves et notre espérance ailleurs, dans ce qui échappe au temps, à l’espace, au confinement, à toute contagion virale. Croire qu’avec la grâce de Dieu, c’est encore nous les plus forts.
Profiter du temps qu’il nous reste pour sérieusement mettre en ordre nos affaires. Vivre d’abandon, de don et de pardon. Persévérer certes dans la prudence et la patience. Rendre grâce pour chaque jour qui nous est donné. En profiter pour être bon, sensible, aimant, ingénieux et laborieux. Cultiver surtout la paix intérieure. Faire tout notre possible pour aider le prochain, être attentif à tout être humain rencontré comme le Christ nous a appris à le faire. Lui qui savait bien l’issu qui nous attend, lui qui y travaille depuis toujours et qui nous appelle par-delà le rideau pour une vie nouvelle, affranchie de tout mal, dans la Demeure de son Père et de notre Père. Voici qu’il nous donne déjà d’en partager ici-bas la joie, la promesse et le gage!
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec, Qc