Vaste programme que d’évoquer deux concepts aussi riches en si peu de place et aussi rapidement !
Nous nous limiterons _ temps de restriction oblige _ à ne parler de que cette période forcée de confinement peut nous faire vivre en ce qu’elle nous oblige à expérimenter au plus creux de nous-mêmes les limites de notre corps et ceux de notre esprit.
Enfants d’une société toute portée vers la production des biens et des services, invités à abolir les frontières jusqu’à croire qu’elles ne sont plus qu’une vue de l’esprit, nous sommes aussi les héritiers des Lumières, porteuses d’une espérance nouvelle indépendante de toute transcendance et d’une idéologie du progrès qui est devenue une fin en soi, érigée en vérité dogmatique que seuls quelques esprits grincheux nous agacent à remettre en question.
Las ! Un simple virus et nous voici confinés, désorganisés, perplexes et angoissés.
On l’a dit et redit. Cette période de contrainte force plusieurs d’entre nous à faire réflexion sur les priorités et le rythme de notre vie. Tout à l’ennui du chômage forcé ou du télétravail imposé, d’aucuns ont fouillé leur carnet d’adresse et renoué avec des personnes qu’ils avaient délaissées : un parent, un ami, une voisine. La cohabitation en famille a permis de renouer des dialogues interrompus. Bref ! Nous avons pour beaucoup redécouvert l’importance du lien et les soins.
Mais c’en est trop. Trop pressé par un temps dont nous avons perdu la maîtrise, nous avons hâte de « déconfiner » pour reprendre les habitudes d’un monde plus rapide, plus efficace, de manager nos vies sur le mode start-up. La leçon si laborieusement méditée sera-t-elle si rapidement oubliée ?
Ce serait oublier que notre vie est limitée dans un espace fini, quel qu’il soit et dans une durée que nous ne maîtrisons pas.
Rappelons-nous ce beau texte de l’Ecclésiaste (Ec 3,1-15):
Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel :
Un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour construire.
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour gémir, et un temps pour danser.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les amasser ; un temps pour s’étreindre, et un temps pour s’abstenir.
Un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler.
Un temps pour aimer, et un temps pour ne pas aimer ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.
Quel profit le travailleur retire-t-il de toute la peine qu’il prend ?
J’ai vu la besogne que Dieu impose aux fils d’Adam pour les tenir en haleine.
Toutes les choses que Dieu a faites sont bonnes en leur temps. Dieu a mis toute la durée du temps dans l’esprit de l’homme, mais celui-ci est incapable d’embrasser l’œuvre que Dieu a faite du début jusqu’à la fin.
J’ai compris qu’il n’y a rien de bon pour les humains, sinon se réjouir et prendre du bon temps durant leur vie.
Bien plus, pour chacun, manger et boire et trouver le bonheur dans son travail, c’est un don de Dieu.
Je le sais : tout ce que Dieu fait, à jamais, demeurera. À cela, il n’y a rien à ajouter, rien à retrancher. Dieu fait en sorte que l’on craigne en sa présence.
Ce qui est a déjà été, ce qui sera a déjà existé. Dieu fera revenir ce qui a passé.
En gardant sous nos yeux et dans notre cœur ceux que nous aimons, notre famille et nos voisins, nos amis proches ou lointains, n’oublions pas cette devise qui ornait jadis un vieux cadran solaire :
Le temps est perdu dont l’amour est absent.