Les disciples sont bouleversés. Ils savent bien que la vie de leur maître est menacée. Jésus vient de leur annoncer que l’un d’entre eux l’a déjà trahi. Il prévient Simon Pierre du triple reniement dont il sera capable. Eux, ils s’attendent au pire. Ils ont peur pour lui et peur pour eux-mêmes. Voici que le Seigneur les réconforte en leur parlant calmement de ce passage qu’il s’apprête à vivre, celui de sa Pâques.
Les paroles d’apaisement de Jésus et ses promesses nous concernent. Ne sommes-nous pas bouleversés nous aussi par tout ce qui arrive dans notre monde? Souvent accablés d’incertitudes, nous ne savons pas bien où vont nos vies. Pensons à toutes les menaces qui planent sur nos êtres fragilisés. Nous en sommes informés et conscients. Malgré toutes nos découvertes scientifiques et nos capacités techniques, nous sommes impuissants à chasser l’inquiétude et la peur. Nous avons bien besoin d’énergies autres.
Jésus ne va pas nous rassurer avec des propos vagues et abstraits, naïvement optimistes, du genre : Prenez courage, ça va s’arranger, ça ira mieux demain, dans l’au-delà tout sera beau! Non, il nous parle de ce qu’il est lui-même en train de vivre et d’accomplir pour Dieu, son Père, et pour nous; il nous dit la certitude qui l’habite, l’issue qui déjà s’annonce pour lui et pour nous, et qui va se manifester dans bien peu de temps. « Je pars vous préparer une place, annonce-t-il. Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi. »
Jésus, en fait, s’engage dans le dernier droit de sa vie terrestre. On va bientôt l’arrêter, le condamner, le faire mourir sur la croix. Il sait, de source, que dans son acte d’abandon à Dieu, il connaîtra la bonté du Père, sa puissance de vie et de résurrection. Un moment séparé de lui en son être de chair, il le retrouvera pleinement en sa chair glorifiée. Et dès lors il peut donner à ses frères et sœurs que nous sommes la certitude d’avoir part à sa vie, plus rien ne pouvant nous séparer de lui. C’est de son passage qu’il nous parle, qui nous vaudra finalement de pouvoir puiser à sa vie de ressuscité, à sa vie d’intimité avec le Père qui imprégnera sa chair bientôt glorifiée.
Une relecture pascale des propos de Jésus nous révèle donc ce à quoi nous avons accès maintenant grâce au chemin parcouru par le Christ, grâce à sa fidélité, grâce à la vie de ressuscité qui l’anime désormais, la vie même du Père et du Fils dans l’Esprit. Voilà comment Jésus, dans son humanité sanctifiée, est maintenant pour nous chemin vers le Père, vérité d’un amour tout puissant, don de vie divine!
Nous sommes ici en plein cœur du mystère de notre Salut. Désormais nous avons accès à la demeure du Père dans l’être même du Fils bien-aimé; nous avons part au don qu’il nous fait de cet espace spirituel. Il s’agit pour nous d’accueillir le Ressuscité qui nous tend la main, d’entrer avec lui dans la joie et la paix de cette demeure, où nous serons de plus en plus unis à lui. « Approchez-vous du Seigneur Jésus, disait la 2e lecture, pour être vous aussi les pierres vivantes d’une demeure spirituelle pour Dieu. »
Quelle merveille que d’être ainsi promus avec le Fils, en suivant ici-bas son chemin d’amour et de justice, en célébrant les sacrements de la foi qui nous donnent de son énergie, qui nous configurent à lui, alors même qu’ils nous gardent dans l’humilité du service fraternel, jusqu’au temps où nous passerons avec notre Seigneur dans le Royaume achevé, nous abandonnant nous aussi à notre Dieu et Père.