Nous n’aurons pas cette année nos rendez-vous habituels du dimanche des Rameaux avec le regroupement traditionnel à l’arrière de l’église, le rappel de l’entrée de Jésus à Jérusalem, la procession comme si nous étions là-bas dans la Ville sainte pour acclamer le Christ et célébrer déjà son triomphe sur le mal et sur la mort.
Notre célébration des Rameaux et de la Passion se vivra plutôt dans l’humble refuge de nos cœurs et de nos maisons, sans possible démonstration extérieure. Nous serons d’autant plus peut-être en mesure de considérer l’étonnant mouvement de la liturgie de ce dimanche.
C’est d’abord l’expérience enivrante de la Fête, la joie d’accompagner le Christ dans son entrée solennelle à Jérusalem : nous faisons nôtres les acclamations de la foule qui voyait en lui le Messie, son Roi, son Sauveur. Même en ce temps de pandémie et dans le cadre de nos confinements nous pouvons imaginer tout cela et le vivre intensément, joyeusement dans notre cœur et l’intimité du couple et de la famille.
Et puis – subitement – nous changeons nos décors intérieurs pour les accorder au ton bien différent de la Passion du Christ. Nous nous souvenons de son dernier repas où s’annonçaient déjà reniement et trahison. Nous retrouvons la nuit de Gethsémani, l’arrestation violente dans le Jardin, et au matin, la charge des accusations, le mépris des gardes, la torture et le crucifiement. Tout cela dans la lecture de la Passion selon s. Matthieu.
Après avoir déposé Jésus dans le tombeau, nous nous arrêtons-là, malgré que nous sachions la suite : le matin de Pâques, la grande surprise et l’heureux aboutissement qui se diffusent en Bonne Nouvelle pour tout l’univers.
Les événements de la Passion, il nous faut chaque année les retrouver et les revivre dans l’ordre, sans rien oublier, sans rien escamoter. Y revenir et nous y arrêter pour les méditer attentivement. Nous avons là, à portée de nos pensées et de notre prière, le plus beau mystère d’amour que nous puissions contempler. N’avions-nous pas depuis longtemps ce dessein de suivre Jésus, depuis bien avant que ne se déclenche chez nous la folie du COVID-19? Que ce fléau n’aille pas nous en empêcher!
Suivre le Christ prendra pour nous justement une couleur différente et un accent bien particulier cette année. Nous n’aurons pas de peine à trouver notre place avec Jésus, auprès de lui. Avec le sentiment peut-être d’avoir contribué nous aussi à sa peine, à ses souffrances, par nos complicités douteuses, nos injustes manières, nos mépris, notre orgueil. Avec le sentiment aussi de souffrir avec lui, alors que Notre Seigneur porte en sa chair et son âme toute la souffrance du monde, celle des affamés, des prisonniers, des persécutés, des laissés pour compte, des infectés du Coronavirus. Dieu dans le Fils ne s’est-il pas porté solidaire de toute la souffrance humaine jusqu’à mourir sur la croix?
Nous suivons donc Jésus là où il s’en va. En silence. Ne sachant que dire et que faire. Et nous prenons le temps de vivre cette présence auprès du Serviteur souffrant, pour l’accompagner, être là, chacun chez nous, tous pareils, tous ensemble pauvres blessés et menacés de ce monde, tous gens aux cœurs incertains.
Suivons-le donc notre Bon Seigneur jusqu’au bout, jusqu’à la fin, jusqu’à la croix. Pour nous reposer en lui, qui nous a tout donné de lui-même. Pour lui offrir et lui donner tout ce que nous sommes. Dans ce mutuel abandon, nous nous reposerons pour à la fin resurgir avec lui, ressusciter en lui. Car il est au cœur de notre foi, de nos vies. Il est notre espérance!
Prenons la peine de vivre cette Semaine sainte une fois de plus, cette fois comme jamais nous n’avons pu le faire! Vivons les passages si nécessaires de notre conversion! Demandons-en la grâce tout en marchant avec lui, car il est notre seul Sauveur et notre frère.
fr. Jacques Marcotte, o.p.