Il fallait que nous en venions là. C’était logique! Avec ce carcan posé sur la présence amérindienne dans ce qui était jadis leurs territoires, avec le réseau des réserves isolées et dispersées, avec les histoires de pensionnats! Cette ambivalence chronique de nos rapports avec les premiers occupants du continent nord-américain nous préparait des bombes à retardement. Les explosions ne font peut-être que commencer au Canada?
Les droits des autochtones, où en sont-ils, maintenant que l’histoire a passé, que nous avons parcouru tout ce temps des premières convivialités, des tentatives d’apprivoisement, de nos législations imposées? Nous avons fabriqué un éloignement durable qui ne pouvait pas être une solution permanente.
Bien sûr, nous avons fait une Loi pour les encadrer, pour nous protéger, avec le dessein probable de vouloir les aider. Mais ce faisant, nous leur avons enfoncé nos manières de voir et de vivre dans la gorge. Et maintenant ils régurgitent, ils en ont assez, ils en ont trop, ils en ont marre. Qu’arrivera-t-il? Sommes-nous prêts à faire partie de la solution? Oserons-nous nous compromettre en risquant de tout remettre sur la table, de revoir ensemble, avec eux, nos arrangements trop souvent unilatéraux jusqu’ici?
Il faudra d’abord nous écouter les uns les autres. Et pas seulement pour la réconciliation, la réparation, la justice pour le passé. Nous n’allons pas refaire l’histoire. Il importe surtout de préparer un avenir de concorde et de bien-être, dans le respect des droits et des traditions. Il y faudra l’étape substantielle d’un dialogue franc et ouvert. Et pour cela se mettre à table ensemble pour une recherche commune. Tout ce beau monde devra accepter des compromis, en étant conscient de perdre pour gagner. Nous serons certainement déstabilisés. Le défi en vaut la peine. C’est fort la confiance dans l’autre, la bonne foi, la volonté d’en arriver à s’entendre!
Non! Il ne s’agit pas de tout renier de nos valeurs et de nos avancées. Il ne s’agit pas de revenir au passé. Comme si nous arrivions d’Europe ou comme si les amérindiens étaient seuls ayant droit sur les terres et le pays. Il nous faut, de part et d’autre, l’humilité et l’ouverture d’esprit, pour considérer réalistement le présent et l’avenir, sans oublier pour autant les conditionnements et les souffrances accumulés par des siècles d’une occupation double mal partagée.
Il s’agit d’être partie prenante, à part entière, d’un partenariat issu d’une refondation. Cette refondation ne partira pas à zéro, mais elle se doit d’être établie sur le socle solide du respect, de la vérité, de la justice et d’une volonté non équivoque de paix. Il y faudra du temps, de la patience, de l’humilité, de la sincérité, un réel amour de toute humanité. Le moment est favorable. De la présente crise – d’abord locale, mais qui se généralise – sortira, si nous le voulons bien, du neuf, pour une nouvelle harmonie, durable, seule capable de désamorcer toutes les petites bombes accumulées par nos années de trop évidentes maltraitances.
Fr Jacques Marcotte, O.P.
Québec