J’ai été amené au début de l’année scolaire à préparer et à donner un nouveau cours sur le monde du numérique. Ce sont là les aléas de la profession lorsque, remplaçant, le professeur doit courir vers une autre mission. Lorsque le Recteur me dit « Viens », je viens, quand il me dit : « Va », je vais là où il me dit d’aller.
L’ironie en la matière (à double titre) est la distance mesurée en années-lumière qui sépare mes aspirations profondes de ce monde tentaculaire auquel nul n’est censé échapper. Que voulez-vous ? J’ai mon petit côté « village gaulois » qui doit avoir son charme aussi.
Ainsi en va-t-il du portable que j’ai choisi de ne pas avoir. Jusqu’à quand ? C’est de plus en plus difficile. Cette chose que l’on porte, que l’on traîne, que l’on consulte à toute heure, à table et ailleurs, qui nous isole en nous vantant le lien avec le lointain au détriment du proche, voire du prochain. Ce portable que l’on porte, je n’y peux rien, m’est insupportable.
Mais si nous acceptons si facilement de nous encombrer d’un portable ou de tout objet dont nous nous disons propriétaire, combien est-il difficile de nous encombrer de notre frère, surtout quand il nous amène son lot de soucis. Quand le prochain devient un boulet, nous n’avons pas toujours le cœur de le porter. A l’extrême, Caïn lance tel un défi à Dieu qui l’interroge « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Gén 4,9). Même si nous ne nous débarrassons pas tous les jours de notre frère, celui-ci, quand il se rend insupportable, devient un encombrant dont on souhaiterait se départir pour retrouver notre paix douillette.
Parfois au sein même de la famille, le frère ou la sœur est un enfant. L’amour ne suffit pas toujours, du moins dans l’âpreté du conflit, à régler la situation. Le découragement peut saisir le parent. Vient, me semble-t-il, le moment de méditer la liberté que Dieu nous accorde pour acquiescer en pleine conscience à sa Parole. Nous avons parfois comme parent à laisser partir le fils prodigue sans avoir l’assurance d’un retour.
Quand l’interrogation et le doute font place à l’espérance malgré tout, nous pouvons alors éprouver la foi comme une expérience concrète de vie.