Baptisés dans les eaux vives de l’Amour
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 3, 13-17)
Alors paraît Jésus.
Il était venu de Galilée jusqu’au Jourdain
auprès de Jean,
pour être baptisé par lui.
Jean voulait l’en empêcher et disait :
« C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi,
et c’est toi qui viens à moi ! »
Mais Jésus lui répondit :
« Laisse faire pour le moment,
car il convient
que nous accomplissions ainsi toute justice. »
Alors Jean le laisse faire.
Dès que Jésus fut baptisé,
il remonta de l’eau,
et voici que les cieux s’ouvrirent :
il vit l’Esprit de Dieu
descendre comme une colombe et venir sur lui.
Et des cieux, une voix disait :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé
en qui je trouve ma joie. »
COMMENTAIRE
L’eau est une réalité ambivalente, capable du meilleur et du pire. Elle fait le bonheur des humains, mais aussi leur malheur parfois. Nous l’avons vu ces dernières années dans certaines zones inondables de nos grandes rivières et notre grand fleuve. Nous savons tous la puissance de l’eau. L’eau si merveilleuse, quand elle nous lave, quand elle étanche notre soif et nous fait vivre, quand elle nous porte vers d’autres rives, mais si dangereuse aussi quand elle prend trop de place, toute la place. Les eaux menaçantes et envahissantes auront-elles le dernier mot sur nous ou bien vont-elles nous faire renaître à la vie? L’expérience que nous avons de l’eau rejoint notre condition humaine, qui est fragile et précaire, en même temps que capable de se prendre en main et de rêver de bonheur et des plus grands dépassements.
Le baptême de Jésus – comme celui de tous ceux qui fréquentaient Jean le Baptiste – participait à cette ambivalence de l’eau suggérée par les rites d’immersion et de purification. Ce baptême exprimait le désir du converti de mourir au mal, au péché, à la mort elle-même, pour vivre d’une vie nouvelle dans l’alliance restaurée avec Dieu. Ce qui est exprimé lors du baptême touche à l’essentiel de la condition croyante, celle dont le Christ a voulu se rendre solidaire jusqu’à plonger lui-même avec nous dans les abîmes de la mort.
Pourquoi le Christ a-il voulu avoir part à ce rite? Il n’était pas lui-même pécheur, loin de là. L’évangile nous apprend qu’il a insisté auprès de Jean. Jésus, on peut le penser, pose là un geste d’humilité, d’obéissance et de fidélité. Il obéit à un appel ressenti en son cœur et qui vient du Père : « C’est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement ce qui est juste », affirme-t-il. Sa démarche relève d’une volonté précise, pour un acte de solidarité avec l’humanité pécheresse, d’ajustement, de fidélité profonde à la volonté du Père. Et le récit nous montre que le Père le confirme dans cette orientation. « Dès que Jésus fut baptisé, il sortit de l’eau. Et voici que les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. » Comment dire mieux le surnaturel? L’irruption du divin dans notre monde? L’Esprit est donné qui apporte l’amour, la tendres-se, la paix de Dieu, l’alliance nouvelle rêvée.« Celui-ci est mon fils bien-aimée; en lui j’ai mis tout mon amour ! »
Cet événement, au seuil de l’Évangile, est majeur, on le voit bien. Les gestes de son baptême annoncent en quelque sorte l’expérience fondamentale de Jésus chez nous, son grand passage, sa passion, sa mort et sa résurrection. L’immersion dans le Jourdain et la sortie de l’eau, pré-figurées par la traversée de la mer au temps de l’Exode, anticipe ce qui va être réalisé bientôt dans la mort du Christ. Le monde nouveau de la Résurrection s’amène en figure.
Le sacrement du baptême nous a fait participer à cette aventure du Christ, à cette alliance d’amour. Jésus nous y associe à son mystère pascal. Rappelons-nous les mots de la lettre aux Romains : « Nous tous qui avons été baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés. Si, par le baptême dans sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, de même que le Christ par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts.»
Par notre baptême nous sommes devenus héritiers d’un trésor d’amour. Nous sommes gratifiés des dons de l’Esprit. Nous jouissons dans le Christ d’une identité nouvelle, la sienne, qui nous donne de quoi changer nos vies; nous avons là de quoi changer le monde, relever la tête et sortir de l’eau. Voici que les cieux nous sont ouverts. Dieu lui-même nous bénit dans le Christ. Frères et sœurs, engageons-nous donc avec audace dans la suite du Christ pour faire honneur à notre condition nouvelle et professer ainsi l’espérance que nous apporte l’Évangile.