Les disputes en famille, le beau-frère un peu lourd qu’on n’a décidément plus envie d’inviter une année de plus, et les cadeaux de la belle-sœur qu’on fait semblant d’apprécier (et la belle-sœur et ses cadeaux), tout ça pour ça ?
Je rêve chaque année d’un Noël truffé de petits gestes qui font plaisir, d’un quelque chose de spécial qui montrerait à chacun des miens combien je les aime. Mais les journées n’ont que vingt-quatre heures, même dans le temps de l’Avent. Et même après Il est né le divin enfant, chaque année il faut déchanter. Je ne fais qu’au mieux la moitié de ces gestes que j’aurai voulu poser. Parfois les enfants amènent au pied du sapin leurs soucis et leurs déconvenues, leurs peines voire leur chagrin. C’est qu’on ne peut pas faire semblant longtemps. Noël n’est qu’une trêve qui nous rappelle que l’espérance doit retrouver sa place dans le cortège de nos soucis carnivores et chronophages.
Dans le film About time (2013) de Richard Curtis, le protagoniste peut voyager dans le passé et revivre les scènes autant de fois qu’il le veut. Reste à savoir comment bonifier ce don transmis de père en fils. Son père justement lui conseille de vivre son quotidien puis de le revivre de nouveau en étant pleinement conscient du cadeau merveilleux _ et donc miraculeux_ de la vie. A force de vivre et re-vivre, le fils apprend à goûter aux sourires, à traverser les soucis, à changer son regard sur les multiples occasions que nous avons de vivre en étant simplement vivants. Il apprend surtout à se passer du don de se donner de nouvelles chances de bien réussir les moments uniques.
Le héros du film nous rejoint ainsi dans nos limites spatio-temporelles car, aux dernières nouvelles, Dieu ne nous a pas gratifiés de cette capacité de nouvelles premières chances. Le Fils de l’Homme est peut-être le premier qui, sous le regard de son Père, a vécu le plus de choses en toute plénitude. Sa vie de prière, intense et cachée, le plaçait au fil des jours au plus près de la Source d’Eau vive.
Au sein de notre famille, le quotidien parfois déçoit, les gestes espérés attendent, les cantiques s’effacent. Mais c’est au cœur de cette gravité que Dieu nous a placés pour chaque fois tenter de vivre pleinement du premier coup.
Alors, l’année prochaine à Noël, n’hésitez pas à réinviter votre beau-frère !
Raphaël Pinet