Lorsque Moïse découvre ébahi un buisson en flamme qui ne consume pas, il entend une voix qui se présente à lui : « Je suis celui qui est » (Ex 3,14)
Dieu ne donne pas son nom. En a-t-il ? Sans doute pas puisqu’il est insaisissable. Aussi lui donne-t-on toute une série d’épiclèses : le Seigneur, le Tout-Puissant, Élohim, YHWH (envoyez-moi la prononciation si on finit par la découvrir) et j’en passe. De la même façon, Jésus se nomme lui-même d’une drôle de façon – le Fils de l’Homme. On le nomme l’Emmanuel, le Fils de David, le roi des Juifs (ou plutôt des Judéens ?) et j’en passe. Pour faire le tour de la Trinité, l’Esprit-Saint n’est pas en reste ! le Paraclet ou le Consolateur, le Défenseur, l’Esprit du Christ, l’Esprit de Vérité, et j’en passe.
Cette pléthore de noms souligne notre impuissance à nommer Dieu. On sait que l’Antiquité et chez les Hébreux en particulier, le nom est plus qu’une appellation mais bien la personne résumée en un mot. Invoquer le nom est une chose grave qu’on ne peut prendre à la légère. La multiplicité des noms de Dieu dit notre impuissance à le saisir, à l’identifier, à le cerner, à l’enfermer dans un tiroir lexical bien commode.
A l’inverse, les humains que nous sommes disposons d’un nom, d’un prénom et parfois d’un sobriquet. Guère plus. Dans ma famille, je suis le grognon comme le savent ceux qui ont déjà lu une de mes chroniques précédentes. Même si je ne me résume à ce surnom, il dit néanmoins quelque chose de moi.
Mais nous aussi le peu de nom que nous avons ne dit pas tout de nous. Savons-nous même qui nous sommes ? Sans doute pas, en tout cas moins que Dieu qui nous connaît depuis le sein de notre mère : Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais (Jr 1,5)
Quand Jésus, le Vivant, nous appelle à la vie, il nous appelle à être pleinement ce que nous sommes. Le problème est que nous mettons longtemps à le découvrir et notre vie passe à se disperser dans de multiples soucis, de nombreuses tâches, de nombreux projets qui éparpillent notre être au lieu de l’unifier.
Thomas Merton le dit dans son journal asiatique :
« Nous sommes déjà un. Mais nous imaginons que nous ne le sommes pas. Et ce qu’il nous faut retrouver, c’est notre unité originelle. Ce qu’il nous faut être, c’est ce que nous sommes. »
Or, nous ne pouvons être réduit à notre petit moi, macérant dans de petites aspirations personnelles. Notre être s’épanouit en Dieu et dans les autres. L’un des mots les plus important de la foi chrétienne est certainement le mot relation. Le paradis, ce sont les autres, ou plutôt ce sont par les autres que nous accédons à la Plénitude.
C’est la relation aux autres qui nous reconstruit dans notre unité originelle. Concrètement, cela veut dire dans notre vie quotidienne, le travail, la communauté familiale, les amis (et les autres !), nous devons à l’exemple du Christ être présents et non dispersés, fuir les multiples sujets de distraction qui nous soustraient à l’écoute et à l’empathie, au partage et à la joie, à la peine et au pardon.
A l’exemple du Christ, nous devons être Présence réelle envers notre prochain. Notre corps et notre sang offert à la présence des autres, c’est le moyen concret que Dieu nous a donné dans sa Création pour diviniser notre humanité.