Avec les discussions concernant le projet de loi sur la laïcité au Québec, nous assistons présentement chez nous à toutes sortes d’interventions, bonnes et moins bonnes. Notre tendance « naturelle » au dénigrement y trouve largement son compte.
Il y a, bien sûr, les déclarations modérées et nuancées qui sont préparées avec soin et qui portent en elles-mêmes la preuve d’une réflexion rigoureuse. Elles veulent tout simplement répondre à de bien légitimes interrogations sur la neutralité de l’état, sur notre histoire et notre culture religieuse traditionnelle, sur l’apport des autres traditions que l’immigration a introduites chez nous avec le temps.
Il est certain qu’en approchant toutes ces matières, nous touchons un terrain sensible. Il est normal que des émotions soient provoquées chez plusieurs. Il faut s’attendre à ce que les opinions soient contrastées, tranchées parfois, et souvent divergentes. Tout ça, c’est inévitable. Chacun, chacune a toujours le droit de se faire une opinion et de nous la dire, de prendre parti, de militer même pour affirmer sa position et pour s’assurer du triomphe de son option.
Là où je vois une difficulté, c’est quand j’entends ou je lis quelques-uns de nos grands ténors ou de nos divas se prononcer avec force, unilatéralement, utilisant sans vergogne les médias publics, comme la Radio d’état, pour se faire voir et valoir avec des déclarations simplistes et « généralices ». Ils profitent de nos tribunes officielles et de leur notoriété pour exprimer des positions radicales et drôlement exagérées. Nous tombons dans les fake news. Nous nous retrouvons devant des amalgames qui jettent, par exemple, le discrédit et la méfiance sur tout ce qui se passait ici avant la « révolution tranquille ». Enfin, comme le proclament ces chantres d’une certaine modernité, nous serions sortis de la grande noirceur et des mœurs infâmes qui avaient cours au temps de nos arrière-grands-parents. Et maintenant, nous serions en train d’atteindre enfin l’état de civilisation idéale, pour vivre la liberté totale, le bonheur d’être débarrassés de tout ce qui avait cours autrefois. Est-ce que je me trompe? Ou bien y a-t-il abus de langage et généralisation à outrance?
Je regrette que nos grands journaux et nos instances radiophoniques et télévisuelles, qui devraient s’obliger à plus de modération et à plus de sagesse, soient les véhicules fréquents de ces dires démesurés. La direction des journaux et des stations de radio et de télévision devraient faire preuve de plus de maturité et de rigueur, en mettant de l’avant une éthique des contenus basée sur les valeurs de vérité, de dignité, de respect. Malheureusement il y a chez eux une complaisance apparente et une véritable préférence pour les propos résolument biaisés, excessifs, diffamatoires, tendancieux, qui ne respectent pas les attentes, les croyances et les convictions d’une bonne partie de leur auditoire ou lecteurs potentiels.
L’enjeu est délicat. Il y a là une question d’honnêteté intellectuelle et de fidélité au réel de notre histoire collective. Il y va d’un minimum de respect envers l’héritage de grande valeur qui nous a été transmis, même s’il comporte des zones d’ombre et de faiblesse, dont nous pouvons faire l’approche avec sens critique, sans pour autant n’y voir que du malheur et de l’obscurantisme.
Fr Jacques Marcotte, OP
Québec
Merci pour ce mot juste de notre histoire!