« Maritain a reçu du Ciel le sens de la vie après les larmes du nihilisme. Sa foi a alors
rehaussé l’éclat de son intelligence. »
On sera peut-être surpris d’apprendre que Jacques Maritain a grandi dans une famille protestante où régnait des idées plutôt libérales. Très jeune, lorsque s’est inscrit à la Sorbonne pour y compléter ses études de philosophie, il partageait comme bien d’autres jeunes Parisiens des idées qui mènent à l’agnosticisme, c’est-à-dire à la conviction que l’Absolu est inaccessible à l’esprit humain. Un agnostique, c’est en effet quelqu’un qui rejette d’une part l’idée que Dieu existe; mais d‘autre part l’agnostique refuse l’idée des athées qui affirment que Dieu n’existe certainement pas. Pourtant, Maritain ne peut vivre sans se poser la question fondamentale du
sens. La vie a-t-elle un sens?
La conviction des athées répugne au jeune Maritain. Il lui semble finalement que
l’Univers doit bien avoir un sens caché. Comment affirmer en effet que notre Monde soit
dépourvu de signification transcendantale? Cela lui semble improbable. Il est déchiré par
l’idée:que le Monde doit bien avoir un sens qui nous dépasse.
Par bonheur, son esprit tourmenté trouve enfin une âme soeur. C’est Raïssa Oumensoff, une jeune juive russe. Ce sera là une rencontre phénoménale, car un immense amour, un amour chaste les unira pour la vie. Mariés en 1904, ils parviendront à former un des
couples les plus remarquables de leur époque. Tous deux sont jeunes et entiers. Comme plusieurs couples qui sont près à mourir ensemble s’ils n’arrivent pas à trouver une raison de vivre, Jacques Maritain et Raïssa Oumensoff s’entendent solennellement au départ pour signer en quelque sorte un pacte de suicide. Ils veulent vraiment trouver le sens du mot «vérité». C’est évidemment le sens de l’Absolu qui leur manque. Heureusement, ils trouveront le chemin de la grâce en se rendant aux conférences très fréquentées de Henri Bergson. Tout change en eux. La lumière se fait.
Jacques et Raïssa Maritain rencontrent bientôt Léon Bloy qui va savoir les guider, si bien qu’un an plus tard, en 1906, Bloy devient leur parrain lors d’une cérémonie de baptême historique. Leur conversion est extrêmement profonde. Tout deux se mettent aussitôt au service de Dieu et de l’Église catholique. Il vont jusqu’à décider d’observer la chasteté la plus complète, dans le but de se consacrer totalement au service de Dieu et de son Église. Ils émettent donc des voeux privés. Cet engagement les rend parfaitement dévoués l’un à l’autre au point de s’entraider sans cesse à devenir des saints.
Jacques Maritain complète alors ses études de philosophie et devient professeur à l’Institut catholique de Paris, basant une grande partie de ses recherches sur la pensée de Thomas d’Aquin. Paul VI, son ancien élève, l’invitera à assister au Concile Vatican II et lui confiera son Message aux intellectuels.
À 88 ans, Maritain réalisera un rêve qui l’habitait depuis longtemps. Il est en effet
accueilli chez les Petits Frères de Jésus de Charles Foucauld, à Toulouse, dans le sud de la France. Lui qui aimait profondément l’oeuvre et la vie de sainte Thérèse d’Avila fait donc profession en émettant des voeux de pauvreté et d’obéissance le jour de sa fête, le 15 octobre 1970, dix ans après la mort de son épouse. Le voici entièrement consacré à ne plus vivre que plongé dans la vie intérieure en se livrant totalement à l’Amour de Dieu. Il se donne totalement à Celui qu’il a aimé de tout son être depuis sa conversion et son baptême en 1906.Jacques Maritain meurt le 28 avril 1973