« Jésus était sorti du Temple et s’en allait, lorsque ses disciples s’approchèrent pour lui faire remarquer les constructions du Temple.
Alors, prenant la parole, il leur dit : « Vous voyez tout cela, n’est-ce pas ? Amen, je vous le dis : il ne restera pas ici pierre sur pierre ; tout sera détruit. » Mathieu 24, 1-2
Lorsque les disciples de Jésus s’extasiaient devant la beauté du Temple de Jérusalem, celui-ci s’est sans doute associé à leur émerveillement. Comme pour tout juif pratiquant, Jérusalem et son temple étaient depuis leur plus tendre enfance ce vers quoi les portait leur foi inculquée dès le plus jeune âge. Et pourtant, loin de sacraliser les pierres de ce temple pour lequel il pouvait montrer un zèle et une sainte colère, Jésus se montre philosophe et prédit la destruction du Temple. Cette prophétie a dû troubler les disciples. Mais il ne fallut pas attendre la fin du monde pour détruire ce qui n’était déjà que le second temple. Le premier, celui dit de Salomon, avait été détruit par les Babyloniens de Nabuchodonosor II en 587 av. J.C., le second attendra la victoire de Titus en l’an 70 de notre ère pour qu’il n’en subsiste que les ruines actuelles : un mur et de quoi se lamenter pour plusieurs siècles.
Déjà, face à la Samaritaine, Jésus avait mis de l’eau dans son vin ce qui, nous le savons depuis les noces de Cana, ne lui posait aucune difficulté.
« Nos pères ont adoré sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. »
Jésus lui dit : « Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.
Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs.
Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. » Jean 4 20
Loin du rituel qui rassure et fait de nous de bons petits pratiquants sûrs de leur bonne foi, Jésus nous demande une adoration qui vienne du cœur et qui nous relie les uns aux autres. Car la foi dans le Christ suppose de mettre la relation à l’autre au centre de nos préoccupations. Tous les lieux de la Bible ne sont importants que dans la mesure où nous en faisons le lieu de notre cœur. Mont Garizim, Temple de Jérusalem, Eglise de Saint-Pierre de Rome ? Peu importe si nous investissons de sacré ce qui n’est que pierre ou poutre. Le seul sacré est l’humain : la meilleure preuve en est que Dieu ne s’est pas incarné pour sauver les meubles mais bien l’humanité. Et pas l’humanité avec un grand h mais chaque homme et chaque femme, incarnés dans son quotidien avec ses difficultés d’homme et de femme.
Après, chacun d’entre nous est de son temps et porte une histoire qu’il partage avec d’autres. J’ai eu le cœur serré en voyant Notre-Dame de Paris brûler. J’ai pensé à tous les ouvriers qui ont bâti durement ce merveilleux temple dédié à l’adoration de Dieu, tous les moments historiques de la communauté nationale vécues et célébrés dans ces murs. Mais j’ai davantage pleuré comme Français que comme chrétien. Et j’ai été encore plus touché, à la suite de l’afflux de dons, d’entendre le père Guy Gibert demander qu’on soit aussi réactif pour sortir les sans-abri de la rue. Un homme à la rue, un enfant qui grelotte, une famille privée d’eau et d’électricité, ce sont autant de temples qui brûlent et désespèrent.
Pierre, dans sa première épître, nous le rappelle en parlant du Christ :
« Approchez-vous de lui : il est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu.
Vous aussi, comme pierres vivantes, entrez dans la construction de la demeure spirituelle, pour devenir le sacerdoce saint et présenter des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus Christ. » 1 Pierre 2 4-5
Nous pouvons choisir d’être des chairs de pierre. Mais Dieu, dans sa puissance peut faire surgir de pierre des fils d’Abraham. Nous pouvons vivre aussi notre foi dans le Christ en esprit et en vérité. Et devenir des pierres vivantes, brûlant du feu d’amour pour nos frères et sœurs.