« L’amour créateur de Dieu, donne à l’homme de naître, de vivre, de croître et de tendre à son autonomie ».
Le pardon est, par excellence, l’acte où Dieu manifeste la liberté de son amour créateur et sauveur. A l’homme qu’il crée, Dieu donne son amour dans un don tout gratuit. Le don de Dieu n’a aucune raison. La seule raison de ce don, c’est l’amour. Il ne sert à rien de nous demander pourquoi Dieu nous a créés. Il nous a créés parce qu’il nous aime. Non seulement l’amour de Dieu ne suppose en nous aucune qualité qui le justifierait, mais même c’est cet amour qui nous donne la vie et toutes nos richesses. Dieu nous a aimés le premier. La gratuité absolue de son initiative de grâce est pour nous la source unique de tout bien.
Par leur gratuité même, les dons de Dieu sont sans repentance. Devant le péché de l’homme, Dieu n’est pas déçu comme des parents quand leur enfant ne réalise pas du tout ce qu’ils attendaient de lui. Dieu ne retire ni son amour ni son estime à l’homme qui trahit les engagements de son Alliance. Dieu ne considère pas non plus que la brisure des promesses d’amour interdit, à l’avenir, une confiance fraîche et entière. Le pardon est l’acte par lequel Dieu maintient et renouvelle à la fois son amour envers l’homme disqualifié par son péché. La gratuité de l’amour divin se fait ici miséricorde.
Dieu fait reposer son amour créateur tout gratuit et infini sur l’homme à qui il a donné de vivre. L’homme innocent se trouve d’entrée de jeu investi de cet amour divin sur lequel il n’a aucun droit. Or le péché de l’homme change la nature de sa relation à l’amour créateur. Non seulement il n’a aucun droit à être aimé de Dieu, mais il tombe par sa faute sous le coup de la condamnation. Pourtant loin de rejeter l’homme coupable, Dieu l’enveloppe par la miséricorde insondable de son amour sauveur. Le livre de la Sagesse décrit avec lyrisme et tendresse la fidélité de l’amour créateur qui se fait amour sauveur.
Car ta grande puissance est toujours à ton service, et qui peut résister à la force de ton bras ?
Le monde entier est devant toi comme un rien sur la balance,
comme la goutte de rosée matinale qui descend sur la terre.
Pourtant, tu as pitié de tous les hommes, parce que tu peux tout.
Tu fermes les yeux sur leurs péchés, pour qu’ils se convertissent.
Tu aimes en effet tout ce qui existe, tu n’as de répulsion envers aucune de tes œuvres ;
si tu avais haï quoi que ce soit, tu ne l’aurais pas créé.
Comment aurait-il subsisté, si tu ne l’avais pas voulu ? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l’avais pas En fait, tu épargnes tous les êtres, parce qu’ils sont à toi, Maître qui aimes les vivants,
toi dont le souffle impérissable les anime tous.
Ceux qui tombent, tu les reprends peu à peu, tu les avertis, tu leur rappelles en quoi ils pèchent, pour qu’ils se détournent du mal et croient en toi, Seigneur.
(Bible : Livre de la Sagesse chapitre 11, verset 21 à chapitre 12, verset 2.)
L’amour créateur de Dieu, donne à l’homme de naître, de vivre, de croître et de tendre à son autonomie. L’amour sauveur de Dieu redonne à l’homme de naître, lui fait recouvrer la vie, le replace plus loin sur ce même chemin où il marchait en présence de Dieu par la foi. Le pardon est le renouvellement de la création, avec un redoublement des merveilles de Dieu. Ce que Dieu a bâti, il le reconstruit de façon plus merveilleuse encore. Le plus étonnant est que Dieu se sert même des marques de la mort pour y faire passer la vie.
Jean-Claude Sagne, o.p.