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Méditation chrétienne,

Responsable de la chronique : Jean-François Bour, o.p.
Méditation chrétienne

Prier, c’est surtout avouer que l’on a faim

Imprimer Par Nicolas Burle, o.p.

 

Au lieu de mettre de la prière dans notre vie, essayons de mettre de la vie, notre vie, dans notre prière. Prions avec les mots de notre âge et non plus avec les mots que nous utilisions pour prier quand nous avions sept ans – qui est souvent la dernière fois où nous avons réellement pris le temps de prier. Commençons par un acte de foi : « Seigneur, je crois en toi », « Je crois que tu es là et que tu m’aimes », « Je veux te connaître et t’aimer de plus en plus ». Saint Jean de la Croix, un maître de la prière, nous donne cette image au sujet de l’oraison, la prière silencieuse: commencer chaque prière par un acte de foi « je crois en toi Seigneur » ressemble à la façon dont on lance une pierre dans l’eau. Plus nous lancerons notre acte de foi avec force et convictions, plus il descendra profondément dans le cœur de Dieu.

Prenons le temps de nous réjouir de la présence de Dieu, n’ayons pas peur de lui dire que nous l’aimons. Si nous ne savons pas si nous l’aimons, disons-lui que nous voulons l’aimer. Si nous n’arrivons pas à prier, prions comme Charles Péguy: « Mon Dieu, donnez-moi d’avoir envie de vous prier. » Ou bien comme Charles de Foucauld, avant sa conversion, avec cette prière d’une humilité admirable: « Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse. » Si nous sommes traversés par des sentiments forts, prions avec des mots vigoureux. On disait ainsi que saint Dominique, lorsqu’il priait, prenait le crucifix à deux mains et s’écriait: « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ? » N’ayons pas Peur de prier avec vigueur si nous voulons vraiment quelque chose ! La ferveur de la prière des saints ressemble davantage au désir d’un enfant qui attend avec impatience son cadeau à Noël, plutôt que ces prières universelles à la messe, remplies de généralités sirupeuses et marmonnées sans conviction. Si ma prière consiste à dire merci chaque jour à Dieu, je suis en fait déjà très avancé dans la vie spirituelle. À la fin de ma vie, j’aurai peut-être alors le même courage confiant qu’avait sainte Claire sur son lit de mort pour chanter: « Sois béni, mon Dieu, Toi qui m’as créée. »

Nous pouvons dire tout ce que nous voulons à Dieu. Il n’y a pas de honte à avoir. Mais sachons bien, avec saint Augustin, que « dans la prière, il ne s’agit pas d’instruire Dieu mais de construire sa vie. » Nous verrons alors que nos idées vont commencer à changer si nous les prions. Rilke écrivait ainsi dans ses Lettres à un jeune poète:

Je voudrais vous prier d’être patient à l’égard de tout ce qui dans votre cœur est encore irrésolu, et de tenter d’aimer les questions elles-mêmes comme des pièces closes et comme des livres écrits dans une langue fort étrangère. Ne cherchez pas pour l’instant de réponses qui ne sauraient vous être données car vous ne seriez pas en mesure de les vivre. Or il s’agit précisément de tout vivre. Vivez maintenant les questions.

Prier, c’est surtout avouer que l’on a faim, c’est avouer que nous avons besoin de Dieu. C’est une attitude de pauvre, de mendiant. Si je n’ai pas soif, quel est l’intérêt d’aller à la source ? Un des premiers signes de la sainteté de Dominique, à la sortie de l’adolescence, fut de vendre ses livres pour nourrir les affamés. Saint François d’Assise embrasse, lui, un lépreux alors qu’il les avait en horreur. Le Christ est « saisi de compassion pour les foules et il les enseigne parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger ».

Et moi ? Suis-je saisi de compassion pour les autres ou seulement pour moi ? Bernanos disait que « l’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible ». Seule la prière peut adoucir notre cœur et faire que les bons sentiments nés de nos entrailles se transforment en actes de bonté selon le cœur de Dieu.


Nicolas Burle, Secoue-toi !…, éditions du Cerf, 2017 (extrait p.156)

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