Je me suis donc résolu à lire Sérotonine, le dernier roman ( ?) de Michel Houellebecq, auteur « incontournable » quoique sulfureux à bien des égards. Le sexe est secondaire comparé à la critique acerbe et impitoyable de notre société malade à mourir. Non pas que l’auteur en fasse une analyse approfondie ou soit sentencieux à son égard. Il se contente d’un étalage froid et sans pitié de faits et situations où se mêlent tendresse et cruauté, amour et égoïsme, respectabilité et perversité. Le tout dominé par les antidépresseurs et les réflexes morbides. Solution finale : le suicide comme délivrance ou évasion de cet enfer. J’en conviens, ce livre n’est pas réconfortant ; je ne le recommande pas aux dépressifs.
Et Dieu dans tout ça ? Faut-il vraiment en chercher la trace ? Assurément, Houellebecq n’est pas Onfray. Quelques touches de religiosité ci et là et pas forcément négatives. Il arrive à Florent-Claude Labrouste, l’antihéros de ce roman, de rêver de « messe de minuit », de séjour silencieux à l’ombre d’un cloître. On le sent appartenir à un terreau où ce genre de pratiques semblait aller de soi. Du moins, pour la génération de ses parents. Mais que penser des toutes dernières lignes de l’ouvrage ?
« Dieu s’occupe de nous en réalité, il pense à nous à chaque instant, et il nous donne des directives parfois très précises. Ces élans d’amour qui affluent dans nos poitrines jusqu’à nous couper le souffle, ces illuminations, ces extases, inexplicables si l’on considère notre nature biologique, notre statut de simples primates, sont des signes extrêmement clairs.
Et je comprends, aujourd’hui, le point de vue du Christ, son agacement répété devant l’endurcissement des cœurs : ils ont tous les signes, et ils n’en tiennent pas compte. Est-ce qu’il faut vraiment en supplément, que je donne ma vie pour ces minables ? Est-ce qu’il faut être, à ce point, explicite ?
Il semble que oui. »
Comme aux noces de Cana, Houellebecq sert le bon vin tout à la fin. Inattendue et surprenante cette confession de foi de la toute dernière minute. Malgré ses ténèbres, la vie humaine recèle de signes lumineux. Encore faut-il savoir les déceler et les interpréter. Autant de directives qui devraient nous faire sortir de la désespérance. La croix du Christ ouvre le chemin de l’espérance.
Au terme de la lecture de Sérotonine, je ne peux m’empêcher de me remémorer ce verset de l’évangile johannique : Jésus, sachant que son heure était venue, l’heure de passer du monde au Père, lui, qui avait aimé les siens qui sont dans le monde, les aima jusqu’à l’extrême.
Ce signe sublime suffira-t-il à nous ouvrir enfin les yeux ?
Guy Musy OP