De ce temps-ci, le cinéma nous offre de beaux personnages de jeunes. En preuve deux films récents. D’abord celui du duo français Colombe Savignac et Pascal Ralité qui décrivent dans LE RIRE DE MA MÈRE le chemin d’un jeune refermé qui doit composer avec la mort imminente de sa maman, atteinte d’un cancer. Pour sa part, le talentueux réalisateur Ricardo Trogi (QUÉBEC MONTRÉAL, HORLOGE BIOLOGIQUE) complète avec la comédie 1991 sa trilogie autobiographique amorcée en 2008 avec 1981 et poursuivie quatre ans plus tard avec 1987.
LE RIRE DE MA MÈRE
Empruntant tantôt à Xavier Dolan (la flamboyance appuyée du personnage de la mère), tantôt à Maurice Pialat (le déjeuner de famille qui tourne à la dispute), tantôt à Claude Sautet (l’apprentissage difficile des « choses de la vie »), l’ensemble est marqué par de nombreuses influences, mais peine à trouver une voix distincte et forte. D’où l’impression d’une œuvre soignée et sincère, qui n’arrive pas toutefois à convaincre complètement.
Depuis le divorce de ses parents, Adrien vit seul avec Marie, sa mère exubérante, pendant que son père Romain refait sa vie avec Gabrielle, une jeune artiste. Soigné et introverti, l’adolescent entretient secrètement des sentiments pour Elsa, une compagne de classe au fort caractère qui, contrairement à lui, sait s’imposer lors de leurs cours de judo et de théâtre.
Alors qu’il cherche désespérément à acquérir du courage, Adrien apprend une terrible nouvelle : sa mère souffre d’un cancer. Sa famille doit alors se reconstituer pour faire face à l’épreuve, et l’aider à trouver la force d’affronter la perspective d’une vie sans sa mère.
Ce mélodrame pudique et intelligent ne manque pas de qualités : un scénario atypique, qui évite plusieurs des écueils du genre; une distribution composée d’acteurs – notamment de la Québécoise Suzanne Clément (MOMMY) -, presque toujours justes et sobres. Ces qualités ne dissipent toutefois pas le malaise observé dans le dernier droit, par un symbolisme parfois trop appuyé (l’utilisation faite de la pièce de théâtre « L’Oiseau bleu ») et par une mise en scène en tandem qui semble chercher sa personnalité.
1991
Dans son tout récent 1991, Ricardo Trogi s’acquitte de sa tâche dans la continuité tranquille, sans bouleverser le système qu’il avait préalablement mis en place, et qui prend la forme d’une série d’aventures rocambolesques soudées ensemble par une narration à la première personne.
Ricardo Trogi, 21 ans, étudie la scénarisation à l’Université du Québec à Montréal. Mais toutes ses pensées sont dirigées vers Marie-Ève Bernard, qu’il considère secrètement comme la femme de sa vie. Lorsque cette dernière part étudier l’italien en Ombrie durant l’été, Ricardo ignore les mises en garde de sa mère hystérique et va la rejoindre.
Mais sitôt qu’il a mis le pied dans ce pays qui a vu naître son père, l’étudiant vit diverses mésaventures et rencontres qui retardent son arrivé à Perugia, où Marie-Ève l’attend. Et quand finalement il y parvient, c’est pour apprendre qu’il doit partager son appartement avec un don juan burkinabé, tandis que celle pour qui il a fait tout ce chemin partage le sien avec un Espagnol accro aux stupéfiants.
Le récit assez mince bondit de scène en scène, sous l’impulsion d’une réalisation inspirée qui cite allégrement Fellini et exploite avec intelligence le relief escarpé de Perugia. Toutefois, le paysage sentimental du film est toutefois moins expressif et haletant.
Une fois de plus, Jean-Carl Boucher interprète un Ricardo candide et sympathique. La comédienne Juliette Gosselin tire bien son épingle du jeu en étudiante délurée tandis que, dans leurs rares apparitions, Sandrine Bisson et Claudio Bolangelo crèvent l’écran en parents soucieux de ce que devient leur Ricardo.
Gilles Leblanc