J’entamais le début d’un chapitre avec ma classe de Sixième sur les sources d’énergie. J’en ai profité pour leur parler du travail des enfants du Congo contaminés par l’extraction du cobalt qui entre dans la fabrication des batteries de téléphone portable.
Selon Amnesty international, certains enfants travaillent jusqu’à douze heures par jour pour un salaire de un à deux dollars au milieu de la poussière toxique dans des galeries mal étayées.
Les enfants de ma classe se démarquent du reste de leur génération : ils ne jurent que par l’achat d’un prochain téléphone portable quand celui-ci ne fait pas déjà partie de leur quotidien. Ils m’écoutaient donc avec attention. Le malaise s’installa doucement dans la salle de classe. Deux élèves en particulier avaient l’air particulièrement soucieux.
J’entendis quelque chose comme des petits pas dans le couloir. La porte s’entrouvrit timidement. Soudain, il était là ; j’en étais sûr. Je me suis rappelé la scène par la suite. Ce ne pouvait être une hallucination. Certains de mes élèves parmi les plus soucieux le voyaient sans doute.
Un petit Congolais de huit ou neuf ans, aux doigts noircis par la poussière de cobalt se tenait un peu en retrait de la porte et nous regardait de ses yeux caves, terribles, les orbites rentrées par la toux persistante. Il n’osait en fait nous déranger. Le malaise dans la classe devenait palpable.
Le silence gêné se déchira sur la question d’un élève plus interpellé que les autres :
– M’sieur, si je touche mon portable, est-ce que moi aussi, je vais m’empoisonner ?
Cette question que je n’attendais pas me surprit. Il fallait répondre à l’angoisse soudaine de cet élève. Du moins, l’inquiétude qui sourdait à travers l’interrogation avait eu le mérite de rendre le silence moins lourd. Le petit Congolais s’effaçait dans la pénombre de cette fin d’après-midi. Je le vis nettement reculer. Il ne voulait pas déranger.
La seconde question fusa aussitôt :
– M’sieur, et si je fais tomber mon portable, est-ce que j’aurai du cobalt si je passe mon doigt sur la fêlure ?
Cette fois, plus de doute. Les petits pas légers de l’enfant du Congo s’évanouissaient dans le couloir. Il ne voulait pas être en retard car la route était déjà longue jusqu’au Katanga. Et puis, il ne voulait pas déranger.
Or quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, il s’assiéra alors sur son trône de gloire, et toutes les nations seront rassemblées devant lui, et il séparera les uns d’avec les autres, comme le pasteur sépare les brebis d’avec les boucs, et il mettra les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite: ” Venez, les bénis de mon Père: prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la création du monde.
Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli; nu, et vous m’avez vêtu; j’ai été malade, et vous m’avez visité; j’étais en prison, et vous êtes venus à moi. ”
Alors les justes lui répondront: ” Seigneur, quand vous avons-nous vu avoir faim, et vous avons-nous donné à manger; avoir soif, et vous avons-nous donné à boire?
Quand vous avons-nous vu étranger, et vous avons-nous recueilli; nu, et vous avons-nous vêtu? Quand vous avons-nous vu malade ou en prison, et sommes-nous venus à vous? ”
Et le Roi leur répondra: ” En vérité, je vous le dis, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Matt, 25, 31-40