Révolution de palais dans le landerneau ecclésial. Une fois de plus, on va nous changer la formule du « Notre Père ». On ne dira plus : « Ne nous soumets pas à la tentation », mais « Ne nous laisse pas entrer en tentation ! ». Histoire d’innocenter Dieu du mal qui pourrait nous arriver. Il ne nous « induit » donc pas en tentation, comme s’il voulait tester notre force de résistance. Il s’emploie désormais à nous en préserver. Dont acte !
Loin de moi le souci – légitime – de savoir si cette nouvelle traduction respecte ou non la version grecque originale. Ce qui m’intéresse en premier chef c’est ce mot « tentation » et la réalité qu’il désigne.
Dans notre parler courant, nous déclinons au pluriel le mot tentation. Comme autant de fruits défendus mais convoités et désirables qui font ployer les arbres de nos vergers. A commencer, comme le reconnaissait un expert en humanité, par la femme du voisin ou le mari de la voisine. Mais le « Notre Père » ne parle pas de ces tentations frivoles. Pas plus que celles du pauvre saint Antoine, ermite dans son désert de sable. Il lui suffit de n’en évoquer qu’une seule, la plus grave de toutes, qui équivaut à un arrêt de mort si par malheur il nous arrivait d’y succomber. Le livre de l’Apocalypse l’appelle « la grande épreuve ». Seuls ont survécu les martyrs qui l’ont traversée.
Cette tentation est celle de l’apostasie, du reniement, de l’étouffement des espérances inséminées par l’Esprit dans le cœur des baptisés. L’apostat abandonne au bord de chemins graveleux des graines d’évangile desséchées. Il arrache la Parole de la bouche des enfants et relègue dans la poussière des bibliothèques et des musées les trésors de la foi chrétienne. Telle est, au dire de Jésus, l’épreuve des derniers temps, celle qui nous incite à prier le Père de nous en préserver. Serait-ce notre tentation, chrétiens et chrétiennes de cette génération ? S’il faut la traverser que le Ciel nous accompagne ! Et si nous sommes trop faibles pour l’affronter que le Ciel nous en garde !
Vous permettrez au prêtre qui rédige ce « billet » de rappeler la prière silencieuse que la liturgie met sur ses lèvres avant qu’il ne communie à chaque messe : « Que je ne sois jamais séparé de Toi ! ». En style direct et personnel, c’est la même demande que celle formulée par le « Notre Père ».