À l’âge de sept ans, mon enfance a connu un bouleversement sans précédent dans sa courte histoire. Après de « nombreuses » années d’aventures urbaines sur l’asphalte de Montréal, je déménageais avec ma famille dans une campagne promise au plus brillant avenir : celui de banlieue. Mes points de repère dans la vie allaient brusquement changer. Pendant quelques jours, au grand étonnement de mes parents, je restai assis sagement sur la galerie de la maison. Je n’osais pas m’aventurer dans cet univers inconnu et sûrement hostile. Peu à peu, cette campagne nouvellement conquise m’apprivoisa à son tour. Je découvris avec étonnement ses champs fleuris et ses boisés. Je les imaginais s’étendre jusqu’au bout du monde. Je venais de découvrir la forêt enchantée des étés de mon enfance.
Avec mes nouveaux amis, compagnons d’infortune nouvellement arrivés dans cette banlieue en voie de devenir, je prenais peu à peu possession de mon royaume : fleurs séchées, chasse aux papillons, grenouilles et menées, « talles » de framboises sauvages, pommettes volées chez le fermier. Tout revêtait un air d’aventure lorsque de bon matin nous partions en excursion.
Dans notre forêt, Robin des Bois et chevaliers, Tarzan, cow-boys et Indiens se côtoyaient sans difficulté. Notre fermier bougon devenait notre shérif de Nottingham, et de château en château, de conquête en conquête, chaque jour notre imaginaire préparait les rêves de la nuit. Dans la forêt, le temps semblait immobile. Il nous façonnait avec une infinie délicatesse.
À l’automne, lorsque la rentrée inévitable se présenta, celle que ma petite tête d’enfant insouciant avait complètement oubliée, je n’étais plus tout à fait le même. Bien plus qu’une collection de souvenirs hétéroclites et d’aventures loufoques, l’été qui s’achevait laissait en moi son empreinte. Nous étions complices. Je rentrai à l’école un peu nostalgique avec mon baluchon de souvenirs, alors que je tombais sous la férule des règles grammaticales et des mathématiques. Plus de doute possible, l’été était bel et bien terminé.
Pourtant, il continuait à nourrir mes rêves éveillés, mon goût de l’aventure et de la découverte. Il m’apprenait à espérer. Depuis, année après année, je l’ai toujours attendu avec hâte et fébrilité, comme un ami fidèle. Avec le temps, j’ai compris que l’été était un grand éducateur, un maître insurpassable avec ses fleurs sauvages, ses ouaouarons et ses papillons éphémères. Plus qu’aucune autre saison, l’été m’a préparé à la vie. J’ai toujours aimé aller à son école.
Car si l’été sait si bien nourrir notre imaginaire, c’est sans doute pour que l’automne venu nous puissions mieux enraciner nos raisons de vivre et d’espérer. En fait, au coeur de la vie et en dépit de leurs contrastes, les saisons sont les grandes complices du temps qui passe. Bonne rentrée!
Yves Bériault, o.p.