Dans la tradition dominicaine, la Mère du Seigneur occupe une place très importante, et ce, depuis les origines de l’Ordre. On pourrait sans doute évoquer cette vision de Dominique où, dans un songe, il voit Marie au ciel gardant sous son manteau tous les frères et les sœurs de Dominique. La Vierge Marie se présente dans cette vision comme la gardienne de l’Ordre, ce qui lui a valu les titres de protectrice de l’Ordre, Mère des Prêcheurs. Sans départager ici ce qui relève de l’histoire et des légendes pieuses du Moyen-Âge, une chose est certaine : dès le Moyen-Âge, la dévotion au Rosaire et à la Vierge Marie, est largement tributaire de l’influence dominicaine.
Par ailleurs, nous savons maintenant que ce n’est pas Dominique lui-même qui a inventé la pratique du Rosaire. Cette dévotion est due au dominicain Alain de la Roche (+1475). Donc, nous parlons d’une dévotion qui a vu le jour au XVe siècle. Quant au rôle de Dominique, il demeure incertain dans la naissance de cette dévotion, mais l’on sait que de son vivant, la dévotion à la Vierge a connu un essor considérable. Les plus belles statues consacrées à la Vierge sont de son époque. Toutes les grandes cathédrales gothiques construites durant cette période lui sont dédiées.
Indépendamment du rôle joué par Dominique dans l’essor de la dévotion mariale et, plus particulièrement du chapelet, l’Ordre s’est toujours réclamé de cette consécration à Marie et a toujours défendu jalousement son patronage, malgré les époques de plus ou moins grande tiédeur dans la dévotion mariale.
La prière à la Vierge est une composante essentielle de notre foi catholique, car elle se situe au cœur de ce que nous appelons la communion des saints. Comme l’écrit le Cardinal Ratzinger, « les Pères de l’Église ont toujours vu en “Marie la figure de l’Église, la figure de l’homme croyant qui ne peut arriver à la pleine réalisation plénière de lui-même que par le don de l’amour”, ce que la théologie appelle la grâce. Le Christ est le Don donné ; Marie, le Don accueilli. » (Varillon. L’humilité de Dieu, p. 113).
Quand on contemple le mystère de la Mère du Seigneur, il n’y a que quelques paroles des évangiles qui qualifient ce mystère qui est le sien et qui est le nôtre aussi :
« Je suis la servante du Seigneur »
« Qu’il me soit fait selon ta parole »
« Et Marie portait tout cela dans son cœur »
« Marie partit en hâte pour se rendre chez sa cousine Élisabeth »
« Mon âme exalte le Seigneur »
« Femme, voici ton fils, fils voici ta Mère »
Chacun de ces versets a fait l’objet de longs et magnifiques commentaires depuis les deux mille ans qui nous séparent de l’Incarnation du Fils de Dieu. Retenons tout simplement que si nous attachons nos pas à ceux de Marie, c’est qu’elle, la première, a porté le Christ et l’a donné au monde. Elle s’est tenue au pied de la croix. Elle était présente à la Pentecôte avec les Apôtres et, surtout, le Christ nous l’a donné comme mère. En elle, nous contemplons le mystère de notre foi.
Alors que l’Ancienne Alliance semble rendue à bout de souffle, comme écrasée sous le poids de la Loi, désertée par les prophètes, Élisabeth, dans sa vieillesse, tombe enceinte et donne naissance au dernier des prophètes, Jean le Baptiste. Les temps sont accomplis. Il vient préparer la voie. Et Marie, elle, dans sa grossesse, se précipite au-devant de sa cousine Élisabeth, comme si le Nouveau Testament se précipitait à la rencontre de l’Ancien pour lui annoncer que son espérance et son attente n’ont pas été vaines. De ce qui était stérile surgit Jean le Baptiste, le prophète messianique ; de la pureté et de l’innocence de la nouvelle Ève naît le Messie. Et Marie court, joyeuse et étonnée, crier sa joie : « Le Seigneur fit pour moi des merveilles ! »
C’est notre humanité qui en elle, non seulement se réjouit, mais qui reste comme bouche bée devant l’étonnant mystère : l’une des nôtres, une toute jeune fille vierge, devient mère de Dieu. Quel grand mystère !! C’est Noël ! Et Dieu n’a pas fini de nous étonner, car sa venue en notre chair annonce un monde nouveau. Mais pour cela, il nous faut apprendre à lire les signes des temps, à nous mettre à l’écoute de la vie et à porter tout cela dans notre cœur comme Marie, notre Mère. C’est pourquoi l’Église nous invite à ouvrir sans cesse notre cœur à la Mère du Seigneur, car à son école, nous apprenons ce que cela signifie être disciple, ce que c’est que de vivre dans nos vies une attente active, empressée, toujours à l’écoute de la Parole de Dieu. La Vierge Marie est un guide sûr qui nous conduit vers son Fils. Elle nous apprend à garder toutes ces choses dans nos cœurs. Elle prie pour nous et elle nous conseille : « Écoutez-le, faites tout ce qu’il vous dira ! »