J’ai tardé à t’aimer !
Ah ! Voilà : tu étais dedans, moi dehors,
et je te cherchais dehors où je me ruais,
beau à rebours, sur les belles choses d’ici-bas, tes ouvrages.
Tu étais avec moi sans que je fusse avec toi,
tenu loin de toi par elles,
qui, à moins que d’être en toi,
ne seraient pas.
Tu as appelé, crié, et tu as rompu ma surdité.
Tu as brillé par éclairs et par vives lueurs
et tu as balayé ma cécité.
Tu as exhalé ta bonne odeur, je l’ai respirée,
et je m’essouffle après toi.
Je t’ai goûté : j’ai faim et soif.
Tu m’as touché : j’ai pris feu pour la paix que tu donnes.
Une fois soudé à toi de tout mon être,
il n’y aura plus pour moi douleur et labeur et ma vie sera,
toute pleine de toi, la vie.
Quand quelqu’un est plein de toi,
tu l’enlèves.
Plein de toi, je ne le suis pas :
aussi mon être me pèse.
Entre mes joies – j’ai à les pleurer ! –
et mes peines, dont il faudrait me réjouir,
il y a conflit,
sans que je sache de quel côté penche la victoire.
Saint Augustin, évêque d’Hippone, IVème siècle
Source : Les Confessions, Livre X