Je tourne les pages du journal. Rien de bon. Que des mauvaises nouvelles : des attentats, des assassinats, des empoisonnements, de la violence conjugale, de la pollution, des hold-up, des détournements de fonds. Etc. Etc. Etc.
Premièrement réaction : les journalistes se plaisent dans les tragédies. Que ce soit dans les journaux en papier ou dans les bulletins de nouvelles à la télé ou à la radio, il semble que les journalistes choisissent le sensationnel. Le spectaculaire fait bien leur affaire.
Donc, les médias nous racontent les horreurs de l’heure. Et ils le font dans un style qui nous cloue sur nos chaises. L’émotion nous gagne. Les sentiments chavirent en nous. Autrement dit, pour que nous demeurions de fidèles spectateurs ou de bons lecteurs, il faut nous garder en haleine, sur le qui-vive. Il faut nous attacher par l’émotion.
Il peut y avoir du vrai là-dedans. Mais tout n’est pas dit pour autant. Les journalistes nous ressemblent. Comme pour nous, les malheurs attirent davantage leur attention. Ce qu’ils racontent pourrait leur arriver comme nous pourrions subir nous-mêmes de semblables drames. En parler fait du bien. Nous raconter le malheur des autres nous permet d’exorciser nos propres peurs. Je ne voudrais pas, pour tout l’or du monde, subir la torture comme on la pratique dans les pays en guerre ou dans les dictatures. Racontons pour nous mettre en garde. Racontons pour nous tenir à l’affût. Développons ainsi des moyens de résister aux tragédies qui pourraient nous attaquer. Inventons des armes de protection.
Là aussi, il peut y avoir du vrai. Mais, alors, surgit un autre problème. Les médias grossissent toujours les réalités qu’ils abordent. Les journalistes ne font pas exprès, mais la photo du journal, la colonne d’information, la nouvelle télévisuelle, même la brève, paraissent toujours énormes.
Les médias sont des loupes grossissantes. Ils pointent du doigt. Ils attirent l’attention sur un événement. Du même coup, ils mettent le reste dans l’ombre.
En attirant l’attention sur les malheurs, les bonheurs finissent par être oubliés. Nous trouvons que les choses vont mal dans le monde d’autant plus que personne nous raconte les bons coups. Personne n’attire notre attentions sur ce qui pourrait devenir des bonnes nouvelles.
Le bien ne fait pas de bruit! Les gens heureux n’ont pas d’histoire! Les dictons ne manquent pas pour nous faire oublier les bonnes nouvelles. On nous laisse entendre que le bonheur est marginal, hors du temps, à l’extérieur de l’histoire. Banal, quoi!
Et notre optimisme en prend pour son rhume. Il pâlit. Reconnaissez des événements joyeux, attirez l’attention sur des bons coups, on vous accusera de sombrer dans l’idéalisme; vous manquerez de réalisme. Noircissez la vie; on dira que vous avez les deux pieds sur terre.
Le pourcentage des bons événements est peut-être plus élevé que la somme des drames que nous rapportent les médias. La vie est peut-être plus belle que ne le laisse voir le regard que nous portons collectivement sur les êtres et les événements. La vie mériterait plus de confiance de notre part si nous ne limitions pas notre regard à celui que nous projettent les médias. Le bonheur mérite bien d’avoir sa place, de temps à autre, à la une de notre quotidien. Il peut avoir droit à du temps d’antenne lors des bulletins de nouvelles. Le bonheur a aussi ses histoires. Et des histoires à raconter.