La Vie après la vie
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 20,27-38.
En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus
et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : ‘Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.’
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
de même le deuxième,
puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari,
car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.
Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur ‘le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »
COMMENTAIRE
La saison automnale est avancée. C’est presque déjà l’hiver. Plus de feuilles dans les arbres ni de fruits, ni même d’oiseaux qui volent. C’est à croire que tout meurt et que tout s’en va. Bientôt ce sera les neiges abondantes et le temps du long repos. Cette période de l’année nous confronte « naturellement » à notre destin personnel, où le vieillissement, la fatigue, la morosité prennent parfois le dessus dans notre âme et conscience. Nos jours se colorent de tristesse. Nous en venons à douter qu’il n’y ait jamais un printemps pour nous.
La parole de ce dimanche tombe à point, elle qui nous annonce la vie, la victoire de la vie, l’au-delà et son mystère d’une vie nouvelle. Le Second livre des Martyrs d’Israël, le Psaume 16, la 2ème lettre de Paul aux Thessaloniciens et l’Évangile de Luc évoquent cet au-delà vers lequel nous avançons dans l’espérance, et qui déjà nous habite.
L’histoire un peu saugrenue rapportée dans l’Évangile montre bien qu’il ne faut pas imaginer la condition des ressuscités à partir de ce que nous vivons présentement. Cette anecdote, sans doute forgée de toute pièce, témoigne d’une controverse où un groupe religieux juif de Jérusalem – des sadducéens – s’oppose à Jésus au sujet de la résurrection. Eux, ils refusent de croire que les morts puissent ressusciter. Ils aiment bien rappeler cette situation louffoque qui prouverait selon eux que la résurrection ne peut exister. Jésus refuse de débattre à partir d’un cas aussi fantaisiste. Il amène plutôt les sadducéens à réviser leur façon de voir, à ne pas se représenter le monde à venir sur le seul modèle du monde présent, à faire confiance à la puissance de Dieu, à son amour immense, à sa fidélité. Le Dieu et Père de Jésus est le Dieu des vivants. Il ne décevra pas celles et ceux qui lui font confiance.
Il ne s’agira pas, lors de la résurrection, de prolonger notre vie terrestre sur le mode que nous connaissons bien. Nous serons plutôt dans un état nouveau apparenté à celui des anges; nous serons spiritualisés dans notre chair, sanctifiés totalement par Dieu, associés pleinement à sa vie, transfigurés en lui. Dieu nous donnera sa vie en héritage.
S. Paul insiste sur cette pensée que même si nous ne vivons pas encore dans la situation des bienheureux, nous pouvons et nous devons nous y préparer. En vue de ce changement radical que nous vivrons un jour, nous devons pratiquer dès maintenant un certain détachement, nous ouvrir déjà aux réalités spirituelles, à la vie d’en haut. Ainsi il faut nous battre résolument contre nous-mêmes, contre nos peurs et certaines attaches, contre notre péché pour entrer déjà dans la vie des ressuscités, non pas en fuyant le monde ou en cherchant à nous en évader, mais en laissant la lumière divine nous illuminer et nourrir notre espérance et notre amour. « Laissez-vous réconforter par notre Seigneur Jésus Christ lui-même et par Dieu notre Père, lui qui nous a aimés et qui, dans sa grâce, nous a pour toujours donné réconfort et joyeuse espérance; qu’ils affermissent votre cœur dans tout ce que vous pouvez faire et dire de bien. »
Il ne s’agit donc pas de bouder les réalités terrestres, de mépriser la beauté de ce que nous vivons déjà. Ainsi nos amours et nos amitiés ont de la valeur et elles appellent une pérennité; elles demeureront; mais elles ne seront pas limitées à ce que nous en vivons présentement. Sachant que nous sommes appelés à ce qu’il y a de mieux, de plus beau, de plus grand, déjà nous pressentons et nous éprouvons quelque chose de cet infini qui nous attend.
Accueillons donc avec confiance les prémices du grand bonheur que Dieu nous prépare; acceptons que ce bonheur puisse dépasser nos prévisions. Croyons que déjà nos parents et nos amis défunts ont part à cette félicité et qu’ils vivent dans leur chair sanctifiée ce à quoi l’Esprit du Dieu vivant les appelait, ce à quoi l’Esprit nous prépare nous-mêmes et que déjà il nous donne en partage.