Cantique des montées.
1 Ceux qui s’appuient sur le Seigneur
sont comme le mont Sion :
rien ne l’ébranle, il est stable pour toujours.
2 Jérusalem! les montagnes l’entourent,
ainsi Dieu, il entoure son peuple
dès maintenant et pour toujours.
3 Jamais un sceptre impie ne tombera
sur la part des justes,
de peur que ne tende au crime la main des justes.
4 Fais du bien, Seigneur,
aux gens de bien,
qui ont au cœur la droiture.
5 Mais les tortueux, les dévoyés,
que Dieu les pousse avec les malfaisants!
Paix sur Israël!
Un cantique des Montées, le sixième de la série (Ps 120-134), bref comme la plupart d’entre eux et sans doute chanté par cœur par des croyants en pèlerinage à Jérusalem.
De prière adressée à Dieu, il ne contient guère que l’avant-dernier verset : « Fais du bien, Seigneur, au gens de bien qui ont au cœur le droiture » (v. 4). Le verset qui suit en finale (v. 5) a la forme d’un double souhait, l’un négatif à propos des impies et l’autre positif en faveur d’Israël. La première partie du psaume (v. 1-3), qui est la plus élaborée, se présente sur un ton de sagesse et proclame la certitude de la protection de Dieu.
Une solidité et une sécurité à toute épreuve (v. 1-2)
Pour exprimer ces deux idées, deux images proches l’une de l’autre.
Pour évoquer une réalité inébranlable, solide, stable, l’image de la montagne vient tout naturellement à l’esprit. Et pour un pèlerin arrivant à Jérusalem, inutile de chercher ailleurs : le mont Sion, située en plein cœur de la ville, en offre l’illustration typique (v. 1).
Et pour évoquer l’idée de sécurité, quoi de mieux que l’emplacement de la ville elle-même dans son ensemble? Moyennant une légère part d’exagération et d’idéalisation, on pourra qualifier de « montagnes » les trois ou quatre collines qui l’environnent et dont aucune ne dépasse guère les 800 mètres. Et en se gardant de faire mention du plateau offrant une voie d’accès plus aisée du côté nord, on représentera la ville comme encerclée de montagnes. Qu’importe, il reste vrai que, de par sa configuration topographique unique, Jérusalem se révèle en bonne partie inexpugnable, comme devait l’apprendre au 8e siècle avant J.C. Sennachérib lui-même, le puissant roi d’Assyrie, contraint de rentrer chez lui bredouille sans avoir réussi à capturer la ville.
Solidité, stabilité : les deux images font référence à Yahvé, représenté dans le premier cas comme le fondement solide sur lequel on peut s’appuyer et dans le second comme celui qui entoure de sa protection. S’il n’y avait que la première image, telle qu’elle est formulée au verset 1, on pourrait hésiter sur l’identification des bénéficiaires. Qui acquiert la solidité en s’appuyant ainsi sur Dieu? La perspective est-elle individuelle, c’est-à-dire renvoie-t-elle aux croyants considérés isolément, ou bien est-elle collective, en rapport avec le peuple dans son ensemble formé de ces croyants?
Cette deuxième perspective est claire au verset 2 : « Dieu, il entoure son peuple ». Comme les deux versets se suivent et comme les deux font état de bienfaits découlant de la relation à Dieu, cela incite à entendre aussi au sens collectif ceux dont il est dit au v. 1 qu’ils « s’appuient sur le Seigneur ». D’autant plus que le verset 3, lui aussi, concerne l’expérience du peuple dans son ensemble.
Les risques de contamination (v. 3)
En parlant en effet de la « part des justes », ce verset désigne l’héritage commun à tout le peuple de Dieu. Le patrimoine occupé par ce denier, assure-t-on, ne saurait être soumis à un sceptre impie, c’est-à-dire à une domination politique étrangère ignorante du vrai Dieu. Le Seigneur, dont on vient de proclamer la protection qu’il procure à son peuple, ne saurait l’abandonner à des influences qui l’entraîneraient loin de lui dans l’idolâtrie.
Ainsi donc, toute la première partie du psaume s’avère confiante et optimiste, se bornant à affirmer, semble-t-il, une protection inconditionnelle de Dieu à son peuple et la stabilité infrangible de ce dernier. Au point de départ, il est vrai, il est dit que ces avantages sont procurés à ceux qui s’appuient sur le Seigneur (v. 1). Mais qu’arrivera-t-il si la confiance et l’attachement du peuple à son Dieu en viennent à se relâcher? Cette perspective ne paraît pas présente, comme elle l’est dans d’autres passages où les prophètes notamment mettent en garde contre une conception magique, en quelque sorte, de la protection de Dieu, comme si celle-ci était automatique et garantie, quoiqu’il arrive. Pensons par exemple à Jérémie qui, à la différence du psaume, fait encore mention du Temple érigé sur les hauteurs de Sion : « Améliorez vos voies et vos œuvres et je vous ferai demeurer en ce lieu. Ne vous fiez pas aux paroles mensongères : “C’est le Temple de Yahvé, Temple de Yahvé; Temple de Yahvé.” (…) Quoi! Voler, tuer, commettre l’adultère, se parjurer, encenser Baal, suivre des dieux étrangers que vous ne connaissez pas, puis venir se présenter devant moi en ce Temple qui porte mon nom et dire : “Nous voilà en sécurité” pour continuer toutes ces abominations! »
Les risques d’incohérence? (v. 4-5)
Serait-ce à de telles incohérences que font allusion les deux derniers versets du psaume? Si oui, cela conférerait une cohérence au psaume lui-même. Après l’optimisme de la première partie (v. 1-3) proclamant une protection apparemment inconditionnelle de Dieu à son peuple, le psaume en finale se ferait plus réaliste. Même à l’intérieur du peuple de Dieu, il en est qui s’appuient vraiment sur lui, mais d’autres non. Même parmi les occupants de « la part des justes », il en est dont la vie se manifeste incohérente par rapport à leur foi, dont les voies s’avèrent tortueuses. Ceux-là, que Dieu les traite selon leurs options déviantes sans retirer sa protection à son peuple et à ses « gens de bien ».
***
Seigneur, garde-nous ta protection, sois notre soutien, viens en aide à notre faiblesse, car sans toi, nous pourrions nous laisser entraîner loin de toi. Nous pourrions nous laisser contaminer par des façons de voir et des façons de vivre non accordées à notre foi.
Ces accents du psaume gardent toute leur pertinence pour les croyants, de quelque époque et de quelque milieu qu’ils soient, confrontés en permanence et de diverses manières à la présence de l’ivraie au milieu du blé.