Je suis venu apporter un feu sur la terre !
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 12,49-53.
Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé !
Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli !
Pensez-vous que je sois venu mettre la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Car désormais cinq personnes de la même famille seront divisées : trois contre deux et deux contre trois ;
ils se diviseront : le père contre le fils et le fils contre le père, la mère contre la fille et la fille contre la mère, la belle-mère contre la belle-fille et la belle-fille contre la belle-mère. »
COMMENTAIRE
Le baptême du Feu
Le Seigneur nous livre dans cet évangile quelque chose de son intimité, de son état d’âme. Il nous parle à mots couverts, et de façon mystérieuse, de ce qui l’habite et le motive, de ce qui lui brûle le cœur.
Il nous dit qu’il apporte un feu sur la terre, et il s’impatiente à la pensée que ce feu ne soit pas déjà allumé. Il ajoute qu’il doit recevoir un baptême, et qu’il trouve difficile d’attendre qu’il soit accompli. De quel feu parle-t-il ? À quel baptême fait-il allusion ?
Le feu, dans la tradition biblique, c’est une image forte. Pensons au feu qui détruit Sodome et Gomorrhe, au feu du buisson qui ne s’éteint pas, attirant l’attention du berger Moïse au désert; pensons au char de feu qui emporte le prophète Élie au ciel. Le feu c’est une réalité mystérieuse, spirituelle, dangereuse et merveilleuse à la fois, ambivalente, dirions-nous. Le feu est associé à la violence, la passion, la purification, l’amour. Rappelons-nous les mots du Cantique : L’amour est fort comme la mort, la passion est implacable comme l’abîme. Ses flammes sont des flammes brûlantes, c’est un feu divin! Les torrents ne peuvent éteindre l’amour.
Le Nouveau Testament utilise l’image du feu pour caractériser l’action de l’Esprit Saint. Jean-Baptiste dira que lui, il baptise dans l’eau, mais que celui qui vient après lui va baptiser dans l’Esprit Saint et le feu. Le même Saint Luc dans le livre des Actes rapporte qu’au jour de la Pentecôte les disciples réunis en un même lieu virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint. Il y a donc lieu de penser que ce à quoi Jésus fait allusion ici, c’est à ce don de l’Esprit qui va bientôt transfigurer toute chose, réaliser ce monde nouveau dont Jésus a bien hâte qu’il arrive. Quant au baptême qu’il doit recevoir ne serait-ce pas sa plongée prochaine dans les eaux de la mort et les ténèbres de notre péché, pour en sortir vivant pour la renaissance et le salut de toute l’humanité dans la puissance de l’Esprit Saint?
C’est avec amour que le Christ envisage ce qui l’attend. Il a hâte. Vivement il souhaite accéder à ce passage étroit et difficile dont il sait qu’il mène à la vie, à la venue de l’Esprit. Voilà donc son secret, le sens de sa venue, la révélation de son amour. Accueillons notre Seigneur dans cette confidence et comprenons qu’il nous a placés dans la position privilégiée de ceux et celles qui savent.
Initiés à son mystère, nous devons mettre toute notre ardeur à suivre le Christ. Pour ce faire il nous faudra trancher sur les opinions autour de nous; il nous faudra nous démarquer par nos choix, nos pensées et nos mœurs. Il nous faudra prendre à rebours, peut-être, les tendances, les habitudes, le confort du monde ambiant, et provoquer pour autant certaines divisions et séparations avec nos proches et nos amis. Pensez-vous que je suis venu mettre la paix dans le monde ? ajoute-t-il. Non, je vous le dis, mais plutôt la division. Ayons donc l’humilité, la fidélité et le courage de nos convictions, quitte à vivre certaines ruptures, sans jamais laisser s’éteindre en nous le feu de l’amour, qui purifie, qui éclaire et qui réchauffe les cœurs.
Si nous voulons être avec le Christ nous devons le suivre dans ce baptême dont il nous parle, plonger dans les eaux de la mort au péché pour en sortir nets et purifiés. La croix est un passage obligé pour nous comme elle le fut pour lui. Mais pensons que par-delà l’épreuve, il y a la vie, la joie et la paix des ressuscités, le don de l’Esprit.