14 février 2016
Créé, l’être humain demeure une créature, quelqu’un qui reçoit. Il reçoit la vie. Tout au long de son existence, il est, il est maintenu par un autre dans cette vie. Il apprend d’un autre à aménager cette vie. Il apprend d’un autre à discerner ce qui peut le rendre heureux et ce qui peut faire son malheur. Tout, dans l’être humain, est don reçu de Dieu. C’est l’affirmation d’Israël; c’est celle de Paul : «Qu’as-tu que tu n’aies reçu?» (1 Corinthiens 4, 7)
Il ne faut pas voir, dans cette dépendance, un esclavage imposé de l’extérieur pour assujettir, pour brimer la personne. Le lien avec le Créateur est plus vital encore que l’oxygène est nécessaire à la respiration. Ce lien appartient à la nature même de la créature. Le garder, c’est agir dans la liberté; s’en affranchir, c’est se vouer à la mort.
Dans leur prétention d’autonomie et de souveraineté, Adam et Ève ont plutôt trouvé l’avilissement. Ils ont brisé la communion qui les reliait à Dieu et faisait leur bonheur. Du même coup, ils ont brisé la communion qui les reliait l’un à l’autre. Les relations entre l’homme et la femme, de mutualité et de réciprocité qu’elles étaient, sont devenues des rapports de domination. A également été rompue leur harmonie avec la nature. Le travail s’accomplira péniblement, à la sueur de leur front.
Depuis lors, l’humanité porte cette blessure et en souffre profondément. Le péché la replie sur elle-même. L’égoïsme est une tentation constante et personne ne peut nier avoir déjà cédé à ses avances. Nous ne misons pas toujours sur la solidarité pour améliorer les conditions d’existence de nos sociétés. Les peuples comme les individus doivent apprendre à faire des choix qui respectent la personne, des choix selon le regard de Dieu.
Malgré le péché, Dieu n’a pas abandonné ses créatures. Au contraire, il a cherché à guérir l’humanité et à établir une nouvelle communion. L’histoire du peuple d’Israël, c’est l’expression de la miséricorde de Dieu qui propose l’alliance, qui rappelle à chaque personne ce à quoi elle est appelée.
En Jésus de Nazareth se récapitule ce long cheminement. Son obéissance au dessein de Dieu contredit le refus d’Adam et Ève et les murmures presque constants des enfants d’Israël. En fait, Jésus exprime une triple fidélité : fidélité à son Père, fidélité à sa condition humaine de créature, fidélité à la foi ancestrale de son peuple. Une même attitude caractérise ces trois fidélités : Jésus s’en remet à Dieu en toute confiance, préférant plus que tout obéir à la volonté de Dieu, demeurer en communion avec lui et établir ainsi un monde nouveau.
L’Église vit à la suite de Jésus Christ. Nous croyons que nous recevons le salut de sa fidélité. En mettant nos pas dans ses pas, nous devenons ses témoins : à travers les appels que Dieu lui adresse comme à travers les réponses qu’il donne à Dieu, nous voyons s’exprimer la volonté du Père sur nous. Nous découvrons qu’il veut bâtir un monde nouveau et qu’il compte sur nous pour le faire, sur notre engagement de témoin.
Au seuil du carême, en prenant la route à la suite du Christ, nous proclamons notre foi en lui. Nous disons notre attachement à celui qui marche devant nous. Nous croyons qu’il est le chemin vers Dieu, la vérité et la vie de notre condition humaine et chrétienne. Avec lui, nous devenons témoins de Dieu pour un monde nouveau.