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Responsable de la chronique : Jacques Marcotte, o.p.
Éditorial

La Mémoire d’un Passage

Imprimer Par Jacques Marcotte & Anne Saulnier

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Poursuivant la réflexion du dernier éditorial, nous voudrions aborder ce qu’il nous semble possible de faire pour mieux vivre notre foi, notamment notre pratique de l’Eucharistie qui est au cœur de la vie chrétienne et rencontre véritable avec le Christ pascal.

Ce que nous vivons dans l’Eucharistie, et ce qui nous fait vivre de l’Eucharistie par la suite, c’est la relation; une relation avec Dieu d’abord, mais aussi avec les autres. En fait, l’Eucharistie est un sommet d’Alliance. Quand Dieu se manifeste à Abraham, Moïse ou Élie, c’est toujours en référence au peuple. La même chose se produit dans l’annonce faite à Marie rapportée en Saint Luc; et au matin de la résurrection, Jésus confie à Marie Madeleine une mission pour ses disciples : celle de leur annoncer qu’elle l’avait vu, qu’il était bien vivant et qu’il leur donnait désormais rendez-vous dans la Galilée de leur quotidien.

Dieu, Père, Fils et Esprit n’est jamais seul. Il est communion. Ses interventions dans notre monde sont à l’image de ce qu’il est éternellement. On comprend que le Fils bien-aimé, Jésus, ne soit pas venu vivre chez nous en solo. Verbe fait chair, il ne parle pas « tout seul ». Il assemble, il fait communion. D’ailleurs, à la Pentecôte, ses disciples après avoir reçu l’Esprit Saint deviennent les agents de transmission d’une foi commune, formant l’Église de Dieu en son tout début, communauté appelée à se multiplier.

Il nous semble donc important de questionner notre positionnement face à l’Eucharistie. Est-elle une réalité vivante et active dans nos vies de tous les jours ou un rite usé qui n’a plus grande signification pour nous? Est-ce que nous comprenons réellement ce que signifie l’Eucharistie à laquelle nous participons? Se peut-il que, sans en avoir bien pris conscience, nous en soyons venus à une certaine méprise sur la nature de l’Eucharistie? Prenons par exemple l’adoration eucharistique qui permet de « perpétuer » le mémorial. Prise en ce sens, elle favorise une expérience spirituelle extraordinaire, faite de silence et de contemplation, qui confine à l’extase, mais elle comporte aussi un risque d’ambiguïté, le danger de « chosifier » le Christ, de faire que notre adoration prenne une allure d’idolâtrie.

En fait, l’Eucharistie est une réalité vivante et active qui doit surtout se continuer dans notre quotidien et le transfigurer. La nature même de l’Eucharistie va dans le sens de l’incarnation, non pas d’abord et uniquement dans les signes extérieurs du pain et du vin consacrés, mais dans les personnes qui vivent profondément de ce sacrement. Elle opère un bouleversement de nos cœurs. Jésus eucharistique nous renvoie avec encore plus d’intensité vers les autres. Le mémorial même de l’Eucharistie suggère la vraie façon d’aller vers les autres qui est celle du don, du service et de la charité. Il s’agit donc d’un état d’être qui se poursuit au quotidien, la célébration concrète de l’Eucharistie étant le moment d’ancrage du mémorial institué par Jésus. La Parole de vie qui se donne ainsi dans le pain que nous recevons sera semence en nous et dans la communauté. L’acte de communier devient un engagement de notre part à vivre de la vie même du Christ, c’est-à-dire non seulement en le professant avec des mots, mais en le vivant dans notre chair par des actes d’amour concrets envers nos sœurs et nos frères.

Pourquoi alors ne pas sortir d’une routine qui s’est peut-être installée, parfois bien malgré nous, pendant la célébration de l’Eucharistie, et ne pas chercher à l’actualiser par un « vivre ensemble » qui nous permettrait, à l’occasion, d’échanger sur notre vécu et de rendre toujours grâce pour cette vie « nouvelle » qui nous est donnée dans le Christ?

Comme au matin de Pâques où le Crucifié envoie les femmes vers ses frères et sœurs pour annoncer la nouvelle de sa résurrection, le Christ nous envoie encore et toujours pour la même mission. Puisse le Ressuscité nous accompagner de son Esprit pour que nous osions vivre du pain de sa parole et de son corps, et faire eucharistie en veillant sans cesse à rendre nos paroles et nos gestes signifiants pour l’époque où nous sommes.

Joyeuses Pâques à toutes et à tous!

En collaboration
Anne Saulnier et Jacques Marcotte, OP
Québec

 

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