La présence de fidèles dans nos églises ne cesse de diminuer; nul ne peut le nier. Ce phénomène s’est produit rapidement, à mesure que se développait dans nos milieux une attitude critique par rapport au religieux. Il s’en est alors suivi une désaffection et une démobilisation assez générales. Plusieurs disent avoir perdu leur naïveté et ressentir le besoin d’attacher ensemble foi et raison de croire. En un sens, il est heureux qu’il en soit ainsi, parce nous voyons dans ce constat une chance de maturation de la foi qui ne serait sans doute pas possible autrement.
À force de formalisme et de dogmatisme, nous en étions venus à perdre non seulement le sens, mais aussi la substance de la Parole et des signes. C’est un peu comme si nous roulions à vide avec des formules toutes faites. Il ne s’agit pas de faire ici un plaidoyer pour ramener le monde dans nos églises, ce qui serait bien utopique de toute façon, mais de prendre acte d’une réalité qui nous oblige tous à un dépassement.
Irions-nous jusqu’à dire que le religieux ne fait plus de sens aujourd’hui, comme plusieurs semblent le croire et se plaisent à l’affirmer ? Nous ne pouvons souscrire à une telle attestation. Nous voyons plutôt la fascination qu’exercent certaines religions actuellement et l’intérêt accru pour la spiritualité et même les rituels en général. Se peut-il que la possibilité de faire un choix parmi diverses propositions et l’attrait de la nouveauté soient pour quelque chose dans ces engouements?
Il faut bien le dire, nous étions prisonniers de formules, d’une routine, d’attentes réciproques; nous avancions, tel un train sur ses rails. À cause de la surveillance que nous exercions les uns sur les autres, il se créait une impossibilité d’innover. Le formel et l’institutionnel occupaient une trop grande place, tellement que nous nous mettions à rêver d’un changement d’air dans cet atmosphère figé et, disons-le, devenu irrespirable.
L’Eucharistie pourtant nous rappelait le sens même de la vie chrétienne en Église. N’est-elle pas relation, relation avec Dieu, mais aussi entre les membres d’une communauté, ayant le Christ à sa tête. Peut-être avons-nous trop axé notre vie en Église sur une théologie et des cérémonies qui ne signifient plus rien pour bien des gens?
En écrivant ces mots, nous sommes loin de penser que nous devons jeter tout ce qui a été fait et ce qui existe encore. Simplement, nous suggérons qu’il faudrait accepter de revoir bien des pratiques avec un œil critique et oser d’autres formules. Autre temps, autre sensibilité, autres mots, autres images, le Mystère étant toujours le même. Nous savons bien que ce Mystère nous dépasse, d’où la nécessité de toujours chercher à mieux le dire, de trouver inlassablement de nouvelles réponses à nos questions, comme la Tradition l’a toujours fait.
Il y a dans nos communautés un immense besoin de vie. Ce besoin de vie est notre tourment incessant, mais aussi ce qui nous meut. Nous ne savons pas vraiment quelle forme la vie prendra maintenant. Ne pas tenir compte de cet appel et de ce besoin, que ce soit par paresse ou par peur, ou adopter des mécanismes de fuite, comme par exemple se cramponner à tout prix au passé, ne sert à rien d’autre qu’à augmenter le malaise.
Pourtant, une foule de petites choses nourrissent déjà notre espérance et donnent de l’âme aux gestes simples et significatifs que nous inventons, permettant de faire le pont entre le spirituel et le cœur des gens. L’expérience nous montre que souvent les changements se produisent par petites touches, plutôt que dans une spectaculaire métamorphose. Il suffit de faire preuve d’ouverture d’esprit et de cœur. Bien sûr, cela exige beaucoup d’humilité et d’écoute de part et d’autre. Cela implique aussi de nous responsabiliser pour pallier notre manque de savoir en essayant de retrouver les racines de notre foi. En un mot, il nous faut revoir notre lecture des écrits bibliques et de la Tradition. Et sur ce chemin, nous ne pouvons être seuls.
Oui, notre Église a besoin de laisser la liberté de l’Esprit s’exprimer, car à trop vouloir encadrer la vie, soit qu’on la blesse, soit qu’on la brise. Lâcher prise, regarder droit devant soi et non plus en arrière, et avancer d’un pas neuf sur des chemins nouveaux, pourquoi pas?
En collaboration
Anne Saulnier et Jacques Marcotte, OP
Québec