Le 25 janvier 2015
J’aime le matin, très tôt. Quand une première lueur se glisse à l’horizon. Très lentement, sans précipitation, elle découpe les montagnes et les édifices. Puis, presqu’imperceptiblement, le soleil se glisse derrière le paysage. Le temps est frais. Le temps est neuf. Il tourne le regard vers les choses qui sortent de la nuit. Il annonce. Il révèle. Il entraîne la pensée vers la journée qui commence.
Cela ressemble à une naissance. La vie arrive après la nuit. Elle palpite. Elle veut se déployer, prendre de la place. Elle s’ouvre progressivement. Elle a le goût de respirer, le goût de chanter, le goût de créer, le goût d’entreprendre, le goût de réaliser.
La foi en Jésus, le Christ, ressemble à ces matins-là. Le Christ n’apparaît pas subitement dans nos vies. Même chez ceux et celles qui ont vécu une conversion foudroyante. Le Christ se glisse progressivement dans notre existence. Incognito d’abord, intimement mêlé aux réalités quotidiennes, aux événements. Il jettte de la lumière dans la vie. Il fait du neuf. Il attire le regard sur des dimensions de la vie qui ne retenaient pas notre attention. Lentement, il révèle. Il se révèle lui-même et il devient le phare qui guide notre voyage, de nuit comme de jour. «Sur ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre, une lumière a resplendi.» (Isaïe 9, 1)
Le Christ annonce un royaume où tout est en perpétuel commencement, une longue naissance qui ne finit pas d’accéder à la vie, avec toute l’ardeur et la fraîcheur des matins. Ce royaume déborde infiniment notre petit monde terrestre. Et pourtant c’est à même notre petit monde, à même notre humble quotidien qu’il se construit. Dans le métier que nous exerçons, dans les études qui nous occupent, dans les rêves que nous portons, dans nos drames et nos épreuves. Comme diraient les évangiles, dans notre Galilée bien concrète, dans ce qui nous tient à cœur comme dans ce qui nous désespère.
Ce royaume qui transforme la vie en une perpétuelle naissance, le Christ ne le réserve pas à quelques privilégiés. Au contraire, il le propose et le bâtit au carrefour de toutes les nations. Il l’offre à tous les peuples. Il n’exclut personne de son projet, pas même ceux et celles que nous appelons dédaigneusement les païens! Dieu nous a créés dépendants les uns des autres. Notre bonheur vit de notre ouverture sur les autres. Nous avons le bonheur en forme d’alliance. Et le royaume serait en contradiction avec le projet de Dieu et de ce que nous sommes s’il fallait l’interdire à certains.
Le Christ nous appelle même à participer à la réalisation de ce royaume. Il compte sur notre collaboration. Jésus n’est pas un solitaire; il est un homme avec, un homme de relation, un homme d’équipe. Un homme d’Église, un homme de communauté. Marcher sur ses traces, c’est vivre la foi en équipe, en solidarité, en Église.
La lumière du Christ, si belle et si harmonieuse qu’elle soit, nous entraîne, mais nous restons quand même des êtres fragiles. Des ombres assombrissent notre vie. La semaine de prière pour l’unité chrétienne nous en donne un aperçu. Entre les disciples du Christ, il y a des déchirures. À travers les siècles, nous avons terni la fraîcheur du matin de la foi. Il nous est arrivé de nous écarter de la perpétuelle naissance de la lumière. Deux mille ans de déchirures, deux mille ans d’appel à l’unité.