« L’Introduction à la vie dévote » paru en 1609, ce « pauvre petit livre » pour reprendre l’expression de François de Sales, son auteur, reste bien d’actualité aujourd’hui encore. André Ravier, s.j. l’auteur de « François de Sales, un sage, un saint » se demande quelle peut être l’opportunité de ce livre de dévotion pour qu’il fascine à ce point nos cœurs et nos esprits dans un monde tellement différent de celui du début du XVIIe siècle. Trois mots clés « Introduction, Vie et Dévotion » tentent d’apporter lumière à Philothée à qui il est destiné. Cette dirigée d’hier et d’aujourd’hui attend encore et toujours une réponse à son désir d’aspirer à l’amour de Dieu. Philothée, il s’agit en ce personnage fictif de tout chrétien, instruit de sa religion, bien au courant de son catéchisme, fidèle à ses devoirs, « aux prises avec les tracas du monde », en somme de tout être humain.
Le terme « dévotion » sous la plume de François de Sale définit une façon de pratiquer dans le quotidien l’amour de Dieu et l’amour du prochain. La dévotion provoque en nous un agir prompt et affectueux de tout ce l’on peut faire de bien sans être commandé. D’un simple désir, par le recours aux sacrements et la force de l’oraison, tout devient résolution. Par ce traité de la vraie dévotion, François de Sales ne conduit pas Philothée, mais lui apprend à se conduire selon que Dieu la conduit. Henri Bremond disait que ce livre a marqué une date mémorable dans l’histoire et la pensée chrétiennes.
Douze ans plus tard, l’éditeur de « L‘introduction à la vie dévote » publiait une livre que François de Sales ruminait depuis fort longtemps, « Le Traité de l’amour de Dieu ». Comme le souligne François de Sale dans la Préface, ce traité est une histoire : « J’ai seulement pensé à représenter simplement et naïvement, sans art et encore sans fard, l’histoire de la naissance, du progrès, de la décadence des propriétés, des avantages et excellence de l’amour divin. » Ce livre se voulait comme un directoire de vie intérieure pour tous les êtres bien engagés dans les exigences de leur baptême, comme il a voulu être un livre de conversion pour les pécheurs. Journal d’âme, confidence, mais aussi poème, voilà de quoi nous faire apprécier ce petit livre « simple et naïf ». « Le Traité de l’amour de Dieu » constitue une sorte de commentaire du Cantique des Cantiques. François de Sales utilise ici l’amour humain pour nous faire entrevoir quelques rayons de l’amour divin.
Les années 1608-1609 furent celles où il rédigea ces deux œuvres qui connurent un grand succès. « Si nous avons, conclut André Ravier, consacré autant de pages à ces deux œuvres, « Introduction à la vie dévote » et « Traité de l’amour de Dieu », c’est qu’elles nous révèlent l’enseignement de saint François de Sale aux âmes, au confessionnal, au parloir et dans les conversations les plus familières. François de Sale était l’ami des âmes. »
« Écrivain sans haleine ni loisir », prédicateur d’Avents et de Carêmes, combien de sermons François de Sale a-t-il prêchés ? Et ce parmi nombre d’affaires administratives ou diplomatiques auxquelles il fut mêlé à titre de prévôt, missionnaire, coadjuteur de son évêque, prince évêque de Genève, mais au mieux comme évêque parmi le peuple de Dieu.
C’est lors d’un Carême prêché à Dijon, que le saint évêque croisa sur sa route la baronne de Chantal, « dame de qualité, vêtue en veuve ». Ce fut le prélude d’une des plus grandes amitiés qui lia jamais un directeur d’âme à sa dirigée, au point que certains biographes catholiques, ecclésiastiques aient jeté quelque soupçon. Après mûres réflexions, innombrables prières « au saint Sacrifice » et « plusieurs messes pour obtenir la clarté du Saint-Esprit », en la fête de la Pentecôte 1610 et les années subséquentes, la baronne de Chantal, de petite nymphe qu’elle avait été devenait « mère abeille ». Naissait alors à Annecy les premiers embryons de la « Visitation », nouvelle communauté, les Visitandines. Le 23 avril 1618, un bref d’approbation érigeait la Visitation en « religion formelle » longuement portée dans le cœur et l’esprit de saint François de Sale.
Enfin, « Conseiller des papes et des princes, dotés de qualités spirituelles incomparables, pastorales et diplomatiques, François dans l’Église déchirée par les divisions politiques et dogmatiques, fut par sa douceur et sa confiance inébranlable en Dieu, un homme d’unité ».
André Ravier (1905-1999), Jésuite, spécialiste pourrait-on croire de François de Sale, mènera toute sa vie plusieurs chantiers de front. Outre de collectionner des diplômes, les jeunes et leur avenir captivent ses pensées. Et malgré le désaveu de ses confrères, André Ravier est nommé provincial en remplacement d’un successeur écarté dans la mémorable crise de Fourvière au sein de la Compagnie de Jésus. Par la suite, il retourne à l’enseignement et sa fréquentation des jeunes l’introduit dans l’intelligence du Christ qu’il voit à l’œuvre dans la vie de saint François de Sale et de Jeanne de Chantal. Une œuvre parmi tant d’autres qu’André Ravier écrivit de 1942 à 2001.
Livre plein d’anecdotes, d’une présentation spirituelle rafraîchissante, on pourrait sans doute difficilement trouver meilleur confident de saint François de sale.
Jacques Sylvestre o.p.
_______________________________
André Ravier. François De Sales. Un sage et un saint. Spiritualité. Nouvelle Cité, 1985.