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Cinéma d'aujourd'hui,

Responsable de la chronique : Gilles Leblanc
Cinéma d'aujourd'hui

Affections orientales : TEL PÈRE, TEL FILS et SAVEURS INDIENNES

Imprimer Par Gilles Leblanc

Nous avons peu accès aux films produits en Extrême-Orient. Toutefois, deux films récents viennent combler nos attentes. Dans TEL PÈRE, TEL FILS, le réalisateur japonais Hirokasu Kore-eda présente avec finesse l’exercice de la paternité dans une société tiraillée entre la postmodernité et les traditions. Pour sa part, l’Indien Ritesh Batra éblouit en relatant la relation épistolaire de deux personnes esseulées dans son sympathique SAVEURS INDIENNES.

TEL PÈRE, TEL FILS

Les liens du sang sont-ils plus forts que l’engagement émotionnel? C’est la question que pose avec nuance, délicatesse et quelques traits d’humour Hirokasu Kore-eda dans cette étude de mœurs d’une beauté simple et accessible, réalisée dans la continuité plastique savamment dépouillée de ses précédents NOBODY KNOWS et STILL WALKING.

Ryota et Midori apprennent que leur fils de six ans, Keita, n’est pas leur enfant, mais celui d’un autre couple, qui a élevé le leur, né le même jour dans le même hôpital. La nouvelle a pour effet de solidifier les liens de Midori avec le garçon qu’elle a élevé, et de fragiliser ceux que Ryota, architecte ambitieux, entretenait avec son gamin nonchalant.

Sur les conseils de la direction de l’hôpital fautif, le couple fait la connaissance de Yudai et Yukari, les parents de leur fils biologique Ryusei. Ces commerçants modestes de la grande banlieue de Tokyo adorent leurs trois enfants et les élèvent à l’abri de la pression de la performance, très présente dans la société japonaise contemporaine.

De façon graduelle, les deux familles tentent de s’apprivoiser, afin d’échanger éventuellement les enfants sans provoquer de crise. Mais l’harmonie entre les parties se rompt lorsque Ryota, sur les conseils de son avocat, demande subitement à Yudai et Yukari qu’ils leur laissent le soin d’élever Keita et Ryusei.

On y retrouve à l’avant-plan un quatuor de personnages d’une belle complexité, dont les sentiments confus ou contradictoires soulèvent implicitement une série de questions sur le devoir dans un Japon déchiré entre traditions et culture occidentale, sens de la famille et performance individuelle. Peu à peu, la figure de Ryota, magnifiquement campé par Masaharu Fukuyama, sort du lot, gagne en profondeur et en netteté. De façon très subtile, l’intrigue se focalise sur la transformation intérieure de cet homme qui découvre au dernier acte le vrai sens de la paternité. Dans ces moments, TEL PÈRE, TEL FILS touche la grâce.

SAVEURS INDIENNES

Écrite avec une exquise délicatesse, cette touchante romance épistolaire entre deux âmes esseulées ménage des touches d’humour d’une franchise rafraîchissante. Les observations psychologiques sensibles vont de pair avec une peinture sociale évocatrice et acerbe, dénonçant à la fois la condition des femmes en Inde et la marche anarchique vers le progrès d’un pays encore ancré dans les traditions.

Sur les conseils de sa voisine du dessus, Ila, jeune mère au foyer de Bombay, prépare pour son mari un mets délicieux, aux vertus aphrodisiaques, dans le but de ranimer la flamme au sein de leur couple. Puis elle confie la boîte à lunch à l’imposant service de livraison qui couvre toutes les entreprises et bureaux gouvernementaux de la ville. Espérant recevoir des compliments le soir, Ila se heurte plutôt à l’indifférence coutumière de son époux.

Comprenant que le repas a été livré au mauvais destinataire, la jeune femme insère une note manuscrite dans l’envoi du lendemain, expliquant la méprise. Débute alors un échange de lettres de plus en plus intime entre Ila et Saajan Fernandes, un comptable veuf au bord de la retraite, qui a des rapports tendus avec son successeur, un jeune homme ambitieux mais maladroit dans son désir de plaire à tout prix.

Pour son premier long métrage, Ritesh Batra signe une mise en scène attentive, discrète mais efficace, qui se fait quasi documentaire dans son illustration très précise du travail des «dabbawallah», ces livreurs de boîtes à lunchs analphabètes dont le système complexe de codes de couleur est réputé infaillible à travers le monde. D’où la délicieuse ironie contenue dans la prémisse. Tous les interprètes sont fort attachants, tant les sobres Irrfan Khan (LIFE OF PI) et Nimrat Kaur que l’enthousiaste Nawazuddin Siddiqui.

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